
Avec ce film très ambitieux, et assez long, Klapisch sacrifie à la vogue du film choral... à sa façon, bien sûr: il relate à travers quelques jours les histoires d'une dizaine de personnages, avec plus ou moins des liens entre eux, et le fait en variant les modes, de la comédie de moeurs légère au drame. Et tout, bien sûr, renvoie constamment à Paris, la capitale vue à travers les yeux fascinés de Romain Duris, malade et craignant de devoir tout quitter un rien prématurément, de Fabrice Luchini en professeur d'Histoire à la Sorbonne, ayant consacré sa vie à l'histoire de la ville, ou de Kingsley Kum Abang, un Camerounais qui passe le film entier à tenter d'arriver sur le sol Français avant de rejoindre la ville de ses rêves...
Pierre (Romain Duris) est danseur, mais pour lui, c'est fini: il est cardiaque, et les médecins sont inquiets quant à ses chances de survivre. Il lui faudra à plus ou moins court terme une transplantation... En attendant, il s'organise avec sa soeur Elise (Juliette Binoche) pour essayer de gérer l'instant. Elise est seule avec ses trois enfants, et Pierre ne comprend pas comment elle se débrouille pour rester seule. Les prétendants ne manquent pas, mais celui qui a le plus de chances, c'est Jean, le vendeur de fruits et légumes (Albert Dupontel) qu'elle voit souvent au marché, et dont la fille est copine avec la sienne. Mais Jean a un souci: il est séparé depuis quelque temps de Caroline (Julie Ferrier), la mère de sa fille, mais elle continue à travailler avec lui et son associé (Zinedine Soualem) au marché. Et la cohabitation est d'autant plus difficile que Caroline se laisse draguer facilement.
Les Verneuil viennent de perdre leur père: Roland (Fabrice Luchini) est historien, et Philippe (François Cluzet) est architecte. L'un raconte le Paris historique, et l'autre transforme le Paris d'aujourd'hui. Mais ils ont des soucis et des doutes: Roland est en plein questionnement, et ressent en plus une attirance pour une étudiante, Laetitia (Mélanie Laurent)... Quant à Philippe, lui et son épouse Mélanie (Judith El Zein) attendent un enfant, et Philippe lui aussi doute aussi bien de ses capacités d'architecte "normal", que de sa future paternité...
Etc etc etc... Chaque situation entraînant des ramifications, bien sûr, et comme d'habitude avec ce genre de film (Et avec ce metteur en scène très productif), on admirera les monteurs qui ont réussi à rendre tout ceci cohérent, fluide et très lisible. Klapisch a délibérément choisi de nous montrer des êtres en rupture, en deuil, dans le doute ou à l'approche de la mort... Qui vont s'efforcer de trouver en eux, ou dans leurs vies respectives et mutuelles, le moyen de s'accrocher. C'est peu de dire que c'est un cliché, que ça a été fait des dizaines de fois... y compris sur des méditations autour de la capitale (Duvivier est passé par là), mais le pire c'est que ça marche toujours, y compris dans ce film. Il y a une poésie urbaine (Et une séquence éblouissante d'effets spéciaux dans un segment consacré à François Cluzet), des décrochages délicats, des personnages qu'on a envie de suivre. Des moments de comédie même, à commencer par l'odieuse boulangère raciste incarnée par Karine Viard...
Mais toutes ces histoires sont accompagnées du fil rouge de ce migrant (Même si le terme n'existait pas encore sous sa forme actuelle) qui tente de rejoindre la France parce qu'au fin fond du Cameroun, il rêve de Paris. Il porte en lui une bonne part de la misère de tous ces gens, dont Pierre (Qui répète à qui veut, ou ne veut pas l'entendre, qu'il "va crever") pense qu'il feraient mieux de cesser de se plaindre, et de vivre.