
Carl, un voleur (Hardy Kruger) en cavale, parce qu'il a un contrat sur sa tête, se réfugie au Liban. Il n'a rien sur lui, et contemple un avenir plus qu'incertain quand soudain il retrouve un bon copain, Alfred (Maurice Biraud). Un minable, mais gentil, Alfred lui propose un partenariat sur un coup un peu foireux: s'attaquer à un joueur compulsif qui perd tous les soirs, mais "finira bien par gagner"! Et ce sir-là, il faudra juste être présent, et l'enlever avec tout son argent. Bref, un coup minable, mais comme Alfred paie, Carl laisse faire. L'attente commence, mais elle va souvent être interrompue, parce que Carl est distrait: il a vu une fille (Mireille Darc) qui traîne autour de l'hôtel, et qui lui a tapé dans l'oeil. La distraction va bientôt prendre toute la place...
Juste après Ne nous fâchons pas, Lautner poursuit son expérimentation autour des genres, en effectuant le mélange cette fois du film noir et d'une certaine idée très 1966-1967 de la comédie sentimentale, le tout mâtiné d'un soupçon de comédie de gangsters, mais délayée et débarrassée de tout l'absurde que le metteur en scène y a injecté (Les Barbouzes, Ne nous fâchons pas) en bonne intelligence avec son complice Michel Audiard: bref, cette Grande Sauterelle est à tous points de vue à la croisée des chemins, d'autant que Lautner y réunit, pour travailler au script, Veha Katcha (Qui avait écrit Galia) et Michel Audiard (Qu'on ne présente plus): sa face sérieuse et "sociologique", et sa face "noir-pour-rire avec vue sur le box-office... Il ajoute à ça un casting composé exclusivement d'acteurs qui jusqu'à présent, toutes proportions gardées, n'ont été que des seconds rôles, à l'exception bien sur de sa star de Galia: Mireille Darc.
La Grande Sauterelle déçoit.
Parce que Lautner, qui ne veut pas rester enfermé dans la parodie de films de gangsters, mais garde quand même un goût certain pour le polar qu'il peut toujours détourner, a cette fois choisi de rester à l'écart de ses effets comiques, et qu'il semble éviter par tous les moyens ce qu'on attend justement de lui. Ce qui sera plutôt réussi dans Le Pacha, par exemple, est ici bien frustrant, et il a beau styliser avec bon goût (Mais souvent trop de retenue) les allers et venues de son héros paradoxal, on s'ennuie souvent, et longtemps. Comme tous les films de Lautner des années 60, en plus, La Grande Sauterelle est une capsule temporelle, et tous ces gens se vautrent dès qu'ils s'agit de caricaturer le mode de vie "hippie", auquel soyons franc ce petit monde bien Parisien qui passe malgré tout six mois de l'année sur la Côte d'Azur, ne comprend pas grand chose...
Restent quelques moments, quelques répliques (C'est Georges Géret qui ouvre le bal: "Ce que tu peux être con! T'es même pas con, t'es bête. Tu vas pas au cinoche, tu lis pas, tu sais rien. Si ça se trouve, t'as même pas de cerveau. Quand on te regarde par dessus, on doit voir tes dents."), des personnages touchants (Biraud, Francis Blanche), et des moments de noir stylisé, comme cette séquence qui exploite la tension entre Carl et son poursuivant qui l'a retrouvé au Liban: en plein soleil, sur un quai, en quatre plans, Lautner joue avec la perspective, la profondeur de champ, et s'amuse. Nous aussi... Un peu.
Ca a du se sentir, parce que Fleur d'oseille, qui viendra juste après, commence là encore de façon assez sérieuse, avant de bifurquer plein tube vers le bizarre, pour ne pas dire le baroque. Comme quoi...