
Trois GIs fêtent à New York la victoire et leur démobilisation: ils vont accomplir de grandes choses, et se promettent de se retrouver dans dix ans, au même endroit... Ted Riley (Gene Kelly) sera avocat, et il se mariera avec sa petite amie; Angie Valentine (Michael Kidd) sera cuistot, et il ouvrira un restaurant pour y faire de la cuisine à la Française; et Doug Hallerton (Dan Dailey) peindra, il envisage d'ailleurs de retourner en Europe pour y peindre des chefs d'oeuvre.
Bon.
En fait, la petite amie de Ted avoue dès la fin de la guerre qu'elle ne l'a pas attendu et il va abandonner ses rêves pour devenir manager d'un boxeur déclassé, Angie va ouvrir un fast-food familial, et Doug va devenir une huile, certes... mais de la publicité. Sans parler de son mariage qui va vite tourner au désastre. Alors quand ils se retrouvent, les trois ex-amis n'ont plus rien à se dire...
La bonne fée, là-dedans, sera la belle Jackie Leighton: rencontrée par hasard, la très efficace (Et esthétique: c'est Cyd Charisse) cadre dans la publicité va réussir à les réunir pour une émission de télévision, séquence émotion... l'occasion pour chacun des trois d'affronter ses démons.
Les trois, les trois, c'est vite dit: Michael Kidd a peut-être fondu un peu au montage, mais Kelly et Dailey, en revanche, ont droit à leur évolution, et à des aventures détaillées: un pétage de plombs monumental et hilarant pour Dailey, qui n'en peut plus de l'univers corporatiste dans lequel il évolue, et une aventure à la Kid Galahad pour Kelly qui tombe dans les griffes de la mafia. Comme on le voit, avec ce troisième film de Kelly et Donen, on n'est plus tout à fait dans l'univers rose bonbon des deux premiers. Ca racle dur, et la vie n'a pas été tendre avec ces trois anciens soldats... A tel point que le film, honnêtement, a le plus grand mal à démarrer. Heureusement, avec Cyd Charisse, l'intrigue décolle, et le niveau remonte de façon spectaculaire. Mais l'impression générale est celle d'un mélange parfois mal fichu, qui rend le film un peu indigeste.
Et puis, après tout, comment pouvait-il en être autrement? Les deux réalisateurs ne souhaitaient pas retravailler ensemble après leurs deux films, et le fait de les rassembler a précipité une brouille qui ne s'est d'ailleurs jamais démentie jusqu'à la mort de Kelly! Et comme les deux hommes avaient généralement des vues différentes sur le style de leurs films, l'un prêchant le réalisme à tout crin, l'autre attiré par le factice, on se trouve ici sur un versant conflictuel de l'opposition entre ces deux tendances. Et Kelly peine dans un premier temps à gagner la sympathie pour son personnage... Ce qui n'empêche ni les grands moments (Kelly en roller skate dans les rues de New York, Cyd Charisse en meneuse de revue sur un ring avec un choeur de gueules cassées), ni les prouesses techniques (un numéro synchronisé filmé en split-screen...). donc si le film n'est pas Singin in the rain ni On the town, il ne mérite absolument pas le manque de succès qu'il a subi... Ni bien sûr le traitement indigne que le studio a fait subir, mais qui explique bien sur le flop! Donc si vous voulez voir un musical amer, un brin cynique, voire parfois mordant (la satire de la télévision), ne cherchez pas plus loin...


