
Dans un pays Arabe de conte, une troupe de théâtre arrive dans une ville tenue par un Sheik très autoritaire (Paul Wegener). Dans le harem de celui-ci, la favorite Sumurun (Jenny Hasselqvist) tombe amoureuse au premier regard d'un marchand ambulant qui voyage avec les acteurs. Elle obtient du reste du harem de l'aide pour trouver un stratagème afin de faire venir le jeune homme vers elle. Pendant ce temps, une danseuse (Pola Negri) fait tout ce qu'elle peut pour se rapprocher du Sheik, même si elle se garde toujours un amant parmi la troupe: une poire pour la soif... mais le Sheik l'a vue, et la désire. C'est parti pour un chassé-croisé qui finira dans le drame: parmi les acteurs du drame, un bossu (Ernst Lubitsch) qui voit d'un mauvais oeil 'sa' danseuse fricoter avec les autres...
Avec ce film étrange, Lubitsch adopte un décor digne des mille et une nuits, et une narration qui tranche sur ses films précédents. Comme s'il voulait à la foi faire un bilan de toute son activité passée, et créer un style qui lui soit propre, il mêle le grotesque et sa direction d'acteurs qui sait si bien mêler le trivial et le pathos, avec la tragédie Shakespearienne. Il allie le jeu de Paul Wegener, Aud Egede Nissen ou Jenny Hasselqvist d'un côté, avec celui de Pola Negri ou de lui-même. Plus étrange encore, tout en obtenant du drame de ses acteurs de prestige, il pousse plus loin le bouchon du grotesque en jouant comme il le faisait dans La princesse aux huîtres sur l'effet de groupes de personnages, que ce soient les Eunuques, tous similaires, tous habillés de la même façon, ou les femmes du harem menées par Aud Egede Nissen, bien loin de ses rôles pour Lang: mutine et tordue, la jeune femme adopte sans remords aucun le jeu "à la Lubitsch"! Pour retrouver un tel mélange, il faudrait comparer ce film avec l'épisode "Chinois" de Der müde Tod, de Fritz Lang...
Le résultat est détonnant, novateur, et sans aucun doute pas vraiment abouti. Mais il n'en reste pas moins un film très personnel, et unique en son genre ce qui ne gâche rien. Lubitsch ne se laisse pas attraper par la mode ambiante du "caligarisme", son film est marqué par des éclairages généralement diurnes, peu de travail sur les ombres, à part peut-être lors d'une scène de menace de torture. Et encore, le jeu quasi géométrique des acteurs de second rôle (Les eunuques, les esclaves) tend à souligner le faux d ela situation en permanence... encore une fois, d'une manière bien sur totalement différente des faux décors, des perspectives truquées de Caligari, et du jeu d'un Conrad Veidt! Par contre, Lubitsch, qui s'apprête si je ne m'abuse à dire adieu à sa carrière d'acteur, se paie le luxe d'une ou deux scènes durant lesquelles il pourra à loisir "mâcher le décor", comme le dit l'expression consacrée qui désigne un jeu excessif au théâtre en Anglais!

