
M. et Mme Smith (Robert Montgomery et Carole Lombard) s'aiment. Ils ont une relation fusionnelle, et nous les surprenons un matin, lors d'une escapade, une embardée des deux époux hors du monde, à rester au lit sans jamais quitter leur chambre d'hôtel... Mais ils apprennent quelques jours plus tard qu'un détail technique (le découpage du territoire entre la frontière du Nevada et celle de l'Idaho) empêche leur mariage d'être légal. Amusé, M. Smith décide de profiter de la situation pour faire de son épouse sa maîtresse... Mais celle-ci prend la chose très au sérieux.
D'une part:
Non, ceci n'est pas, comme on le lit partout, "la seule comédie d'Alfred Hitchcock" (The farmer's wife, Waltzes from Vienna, To catch a thief ou The trouble with Harry, par exemple, en sont la preuve), ni "le pire film d'Alfred Hitchcock" (Topaz, Easy virtue, Juno and the paycock, The Skin Game, et Family plot sont tous bien pires). Ce n'est pas non plus "un film imposé par les producteurs" comme on l'entendra ici ou là: en 1941, on n'impose rien à Hitchcock.
La présence, dans la filmographie du "maître du suspense", de cette petite comédie qui ne casse pas des briques, peut s'expliquer après tout par le fait que Carole Lombard qui admirait ses films, avait vu avec raison des éléments de comédie qui brillaient dans la plupart des films du metteur en scène et rêvait d'interpréter un film sous sa direction. Et si on regarde ne serait-ce que l'excellente scène de The 39 steps durant laquelle Donat et Madeleine Carroll son coincés l'un avec l'autre, réunis par une paire de menottes, on comprend totalement ce qu'elle voulait dire... Et Hitchcock, qui a à coeur de s'intégrer dans le Hollywood de 1941, s'est après tout laissé faire.
D'autre part:
Maintenant, il faut bien l'avouer, si la mise en scène est tout à fait fonctionnelle du début à la fin, ce n'est pas le genre de film qui a pu l'inspirer, ni d'ailleurs le genre de script. Pas plus les personnages, au fait! ces deux amoureux, le mari et la femme, qui découvrent que leur mariage est en fait illégal suite à une erreur administrative, et qui se battent entre eux au lieu de tenter de préserver leur amour, dénotent dans l'oeuvre d'Hitchcock. Le film semble plus proche du ton d'autres metteurs en scène... Le ton qu'aurait insufflé Hawks dans le scénario de Norman Krasna aurait été bien plus intéressant...
Et si on ne peut que se référer à cette époque d'hypocrisie, et comprendre le problème de ce couple, qui n'est marié que dans leur souvenir, ce qui fait de leur couple une aberration, il n'empêche que ce sujet ne peut qu'être daté, et que les positions de l'un et de l'autre sont finalement assez difficiles à soutenir quand on le voit avec un esprit contemporain. Hitchcock semble ici nous donner l'impression que le vernis du mariag fait tout dans un couple. Ce que son oeuvre a tendance à contredire, quand même...
Restent quelques scènes sympathiques, quelques moments fabuleux (Dus à Carole Lombard, sans surprise), et quelques moments gênants (Robert Montgomery est à peu près aussi déplacé que son metteur en scène. Et l'acteur ressemble à quelqu'un qui ne devait pas être sobre très souvent)... Mais tout le début, qui nous prend par surprise en s'invitant chez les Smith, durant une matinée où M. Smith ne peut pas se détacher de sa tendre épouse, est quand même intéressant dans l'oeuvre de notre cinéaste, qui dès cette époque essayait par tous les moyens d'appeler un chat un chat. Les moments qui établissent l'incroyable complicité entre M. et Mme Smith, la façon dont Carole Lombard entre en scène, le détail des pieds nus de Madame qui ne peuvent se passer de sentir les jambes de Monsieur...