
A l'heure du tout numérique, qui réinvente le fantastique afin de le parer de vraisemblance, ce qui est quand on y pense particulièrement vertigineux, David Lowery ose un film de fantôme... avec drap. Un bête drap, qui couvre tout le corps, avec deux trous béants pour les yeux. C'est une bonne idée.
C'est l'une des rares du film.
C (Casey Affleck) et M (Rooney Mara) sont deux jeunes mariés. Lui est musicien, et elle ne travaille pas; elle s'ennuie dans leur maison, qu'elle voudrait bien quitter, mais lui refuse cette discussion. Un jour, il a un accident de voiture, juste devant la maison. Il est mort, et à l'hôpital, après que M venue reconnaître le corps nous ait laissés seuls avec lui pour un très long plan de six ou sept minutes environ, il est revenu. Invité à "rejoindre la lumière", il a décliné, et puis a commencé à hanter la maison...
...Et nous aussi.
Il y a là-dedans d'autres bonnes idées, comme celle de tester les représentations du temps qui passe, ou la distance nette et immobile adoptée par la caméra. A ce propos, sauf pour de très rares plans du film (pourquoi? mystère), Lowery a décidé de tourner en 1:33.1, ce qui donne un cadre élégant... Mais la froideur imposée et l'arbitraire apparent, la pose artistique doublée d'une interdiction de rire, le gâchis de deux excellents acteurs (On souffre pour Mara d'avoir dû se gaver de tarte aux pommes, surveillée par un fantôme flou avant d'aller vomir au fond du champ, le tout pendant DIX MINUTES longues, longues, longues...), finissent par nous achever: on demande grâce.
Et du coup, le film qui interroge le temps qui passe et nous invitait çà une réflexion sur ce qu'on laisse derrière nous, tend plutôt à nous asséner ses conclusions à coups de pelle. Et j'aime pas les coups de pelle.