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17 décembre 2017 7 17 /12 /décembre /2017 14:13

Lo Dorman est un métis, comme le titre l'indique ("half-breed") et le film, tourné pourtant la même année que Manhattan madness, His picture in the papers, The mystery of the leaping fish ou d'autres comédies avec Douglas Fairbanks, est un western dramatique, pas éloigné du ton de certains films de William S. Hart avec ses figures de marginaux, rejetés par "les braves gens"... 

Le personnage interprété par Fairbanks est donc le fils d'une indienne Cherokee, qu'elle a eu avec un mystérieux homme blanc, qui a bien sûr abusé d'elle (Il l'a "trahie", comme on disait à l'époque). Cet homme, nous aurons le privilège de le connaître, mais Lo Dorman (Ou Sleeping Water, l'anglicisation du nom Français donné au petit, L'eau Dormante), lui, n'en saura rien. Il vit dans les bois, élevé "comme un homme blanc" par un ermite selon le désir de sa mère qui s'est suicidée après avoir confié son fils. Mais il va surtout grandir au milieu des séquoias, dans la forêt, bien à l'écart de la petite communauté tranquille. Et dès le départ, Dwan se fait lyrique en opposant la nature, merveilleuse, et la ville à travers son lieu le plus emblématique: le saloon... On y joue, on y boit, et la présence de nombreuses femmes assises là, ne laisse aucun doute.

Pourtant, dans cette ville, le pasteur Wynn (Frank Brownlee) s'est installé, bien déterminé à faire revenir les brebis égarées dans le droit chemin. Il nous serait presque sympathique, d'autant q'il prend le taureau par les cornes en allant chercher les pêcheurs là où ils sont. Et s'avisant pendant un service de la présence de Lo Dorman à l'écart, il l'invite à rejoindre la congrégation... Mais il sera aussi le premier à s'offusquer lorsque le métis osera s'afficher aux côtés de Nellie Wynn (Jewel Carmen), la propre fille du pasteur.

Dwan a réservé à Jewel Carmen une impressionnante arrivée de star, bien qu'elle n'est pas vraiment la principale actrice du film: on la voit arriver en gros plan, d'abord sur ses chaussures, puis sur sa robe de Belle du Sud, et enfin sur sa coiffe, avant qu'elle ne relève la tête. Mais cette entrée en matière n'est là que pour annoncer la vanité, voire la suffisance du personnage de péronnelle qui n'aime rien tant que jouer avec ses prétendants... Et avec le feu. Lo Dorman se met au ban de la société parce que lui, le métis, a cru pouvoir développer une amitié avec la belle jeune femme. Et on ne lui pardonne pas d'oser vouloir "sortir de sa race". 

Le film n'est pourtant pas qu'un plaidoyer contre le racisme, on est en 1916, et ça ne se fait pas encore. Lo Dorman trouvera une autre âme soeur, en la présence d'une autre femme, Teresa (Alma Reubens) elle aussi de sang-mêlé, Anglo-Mexicaine cette fois, qui d'ailleurs est impulsive, et plus aventureuse que ne le sera jamais la fille à papa citée plus haut. Quand elle rencontre Lo Dorman, elle est en fuite après avoir poignardé un homme qui l'avait trahie. Mais là où Dwan réussit, c'est dans le fait de nous montrer la division sociale de la petite communauté qui tente d'établir des règles Victoriennes de bonne conduite, tout en pratiquant un ostracisme flagrant, et en confiant par-dessus le marché le bon fonctionnement de la loi à Dunn (Sam De Grasse), un salaud qui a violé une femme.

Oui, c'est le père...

Alors, entre l'hypocrisie de la petite ville en devenir, et la beauté majestueuse des séquoias, comment s'étonner que Lo Dorman, Douglas Fairbanks, ait choisi de rester un homme des bois? Il se condamne à rester à l'écart, flanqué d'une femme qui l'aime sans doute parce qu'elle est bien obligée de se contenter de lui. Le film est très amer, et passe facilement, du début à la fin, du lyrisme naïf associé à Fairbanks (Doux comme un agneau, et aussi dénué de mauvais sentiment qu'un enfant qui vient de naître, il fallait un Douglas pour qu'on puisse y croire!), à l'hypocrisie et au cynisme.

Ce film dur, essentiel dans la longue liste des oeuvres de l'acteur (et qui porte en lui des thèmes très personnels, et qui reviendront souvent, autour de la notion d'illégitimité), est un des produits de la pêche miraculeuse de Dawson City, dans les années 70, lorsqu'on a retrouvé un certain nombre de films muets perdus, conservés dans les glaces de cette farouche cité du nord canadien. Deux bobines 35 mm ont été retrouvées, auxquelles on a pu ajouter divers matériaux conservés un peu partout, et qui aujourd'hui nous permettent de posséder un film très important, aussi bien pour Fairbanks que pour le metteur en scène: Dwan, on le sait, s'impliquait beaucoup dans ses films, et cette préfiguration de nombreux de ses westerns le prouve de manière éclatante.

Et pourtant, il sera un flop sans appel, qui va décider l'acteur à ne jamais ou presque sortir de sa formule (Telle qu'il l'avait peaufinée avec The good bad man, quelques mois avant ce film) qu'il adaptera ensuite à ses intrigues, puis à ses héros.

 

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Published by François Massarelli - dans Muet Allan Dwan 1916 Western Douglas Fairbanks **