
Rob Reiner, au moment de réaliser ce film, ce n'est pas n'importe qui: il vient de réaliser quatre films les uns après les autres, dans l'ordre: Stand by me, The Princess Bride, When Harry met Sally et Misery. Quatre réussites indéniables, quatre succès, dans quatre genres différents... Fidèle à ses habitudes, il se lance dans un film d'un genre qu'il n'a pas encore abordé, ce qu'on appelle généralement le courtroom drama, soit le film de procès. Mais un procès d'un genre inattendu, puisque situé dans la cadre de cette merveilleuse institution qu'est l'armée Américaine.
Digression #1: si vous avez un problème avec l'anti-militarisme le plus basique, arrêtez de lire, je ne vais absolument pas me priver. Il se peut que je me laisse même aller à des amalgames douteux et inavouables entre les Marines et le fascisme, car je suis plutôt d'un genre facétieux.
Reprenons: toujours selon ses habitudes, Reiner se repose sur une oeuvre préexistante et un scénario d'un tiers, ici l'oeuvre adaptée est une pièce de Aaron Sorkin, qui a lui-même adapté son script. Et Reiner fait appel à un certain nombre d'acteurs compétents, aussi bien une impressionnante valeur sûre (Jack Nicholson) que quelques jeunes acteurs et actrices qui montent, Demi Moore, Kevin Pollak, ou Kevin Bacon. On reconnaît aussi Noah Wyle ou James Marshall. Reiner engage aussi un scientologue pour lui donner le rôle principal.
Digression #2: celui-ci aussi je vais me le payer.
Un Marine est tué dans la nuit par deux camarades, sur la base de Guantanamo. L'affaire est encombrante, car si en apparence les deux tueurs se seraient vengés de ce que l'un d'entre eux allait être dénoncé par la victime, il apparaît à une jeune investigatrice, le lieutenant JoAnne Galloway, que ça ressemble beaucoup à ce type de punition interne et non-officielle qui est parfois ordonné aux Marines pour "maintenir la cohésion" dans leur bataillon. L'état-major va assigner un autre avocat qu'elle pour défendre les deux tueurs, avec l'idée probable d'étouffer l'affaire. On choisit donc un impulsif feignant et incontrôlable: Daniel Kaffee (Le Scientologue). Mais JoAnne, décidée à suivre son intuition, va quand même réussir à se mettre sur le coup. Bien sûr, entre les deux avocats, ça ne va pas se passer très bien... Et bien sûr ils vont s'apprivoiser et gagner leur procès.
Inévitable: un courtroom drama, ça obéit à des règles immuables, comme le premier Marine venu du reste. Donc on a une enquête qui se prépare, et dont les zones d'ombre ne sont pas toutes résolues avant que le procès commence, et le clou du film est le procès lui-même, résumé à ses grands lignes essentiellement par les coups d'éclats et les coups de théâtre. Rob Reiner fait un travail compétent, plus même pour maintenir l'intérêt. la confrontation entre Jack Nicholson en nazi, pardon en colonel de Marine, contre le reste du monde, est forcément un moment qui implique le spectateur. Comme on dit, ça se laisse regarder, le personnage de Kevin Pollak en assistant légal nous permet d'alléger un peu le tout. Et on rappelle que le corps des Marines, ces grands enfants, passe son temps à argumenter qu'ils sont chargés de la protection de la planète, ce qui leur donne manifestement le droit d'oppresser les membres du corps qui sont issus des minorités, et de les tuer si bon leur semble.
Caricatural: forcément, l'armée a tout prévu pour se défendre, forcément les jeunes avocats sans expérience vont déjouer tous les pièges, forcément les deux accusés vont ne rien comprendre (rappelons que ce deux hommes ont pour vocation de ramper dans la boue en se faisant insulter par des ordures dont le métier est justement de rabaisser les jeunes recrues en les humiliant ou en les frappant s'il le faut, donc forcément on n'échappera pas à l'un ou l'autre cliché, et forcément ils ont le QI d'une moule oubliée sur une table depuis l'été 1994), et bien sûr, à partir du moment où on donne le rôle principal au Scientologue, ça va mal se passer.
Insupportable: je suis servi; non seulement Demi Moore n'est pas terrible, ce qui n'a rien de nouveau, mais en plus elle sert de potiche du début à la fin. Mais en plus, heureusement qu'elle répond à un autre avocat qui lui est un homme: la preuve, il joue au base-ball... On imagine aisément Cruise (car c'était lui!) se pencher sur le script pour voir où il pourrait ajouter du "physique". Il est nul. Mais alors nul... Toujours cette insupportable hyper-activité qui est supposée être la preuve d'un esprit fort. Ca ne fait de lui qu'un sale gosse auto-satisfait. Au moins Spielberg, ou Paul Thomas Anderson, sauront-ils utiliser Tom Cruise au lieu de lui servir la soupe.