
Voici un premier long métrage de cinéma qui non seulement promet, mais en plus accomplit ses promesses avec une maîtrise et une rigueur impressionnantes. Bon, si j'ai rajouté "De cinéma" à ma première phrase, c'est tout simplement parce que j'ai triché: Michael Mann avait déjà réalisé un film long pour la télévision (Qui est non seulement rare, il est aussi doté d'une excellente réputation), avant d'être engagé sur pièce par Jerry Bruckheimer et James Caan pour réaliser ce film, qui porte de façon évidente la marque de l'acteur, tout en posant les bases des futurs films noirs du réalisateur.
Frank est un voleur, comme l'indique le titre. Il aime son métier, qu'il fait bien, mais les temps changent, et il lui fait penser à la prochaine phase de sa vie. Seulement quand on est un voleur consciencieux et avec des scrupules, c'est difficile de tout arrêter pour trouver une compagne et fonder une famille, quand tout fout le camp: son mentor lui annonce qu'il va mourir, les policiers corrompus s'intéressent un peu trop à ses petites affaires et aimeraient bien palper un pourcentage, et les autres malfrats ne sont que des exploiteurs malhonnêtes... Alors oui, il trouve bien l'âme soeur (Tuesday Weld), à laquelle il ne cachera rien, mais le reste part complètement en vrille...
James Caan peut cette fois rouler des mécaniques, exhiber sa musculature poilue et ses grosses voitures, ça fait totalement partie du personnage, un malfrat à l'ancienne qui parle avec l'accent appris en prison, et qui renvoie à l'éthique Hawksienne du travail bien fait; sans que le cabotinage ne desserve le film en rien, l'acteur fait donc son numéro et donne à son alter ego une touchante humanité. Mais le film est comme le sont de nombreux westerns des années 60 et 70: crépusculaire... La fin d'une époque est ici montrée parallèlement à la préparation d'un casse spectaculaire, méthodique, dont rien ne nous est caché même si le langage est à décoder: c'est en malfrat dans le texte, non sous-titré... Il y a du Melville dans cette rigueur narrative, du reste.
...Bon, Michael Mann oblige, on est obligé de caramboler Jean-Pierre Melville et la musique électronique de Tangerine Dream, mais les petites manies du metteur en scène, ces ralentis occasionnels et cette fascination pour les néons bleus, ne prennent pas encore toute la place. Le metteur en scène nous fait partager sa fascination pour l'Amérique nocturne, ses lumières, ses couleurs qui forment tout un monde étrange... Et le film anticipe sur l'extraordinaire tension narrative de Heat, et sa confrontation entre un policier qui faute, et un gangster rigoureux pour ne pas dire généreux... Et la finalité de l'existence, pour l'ancien taulard qui s'est confectionné une carapace nihiliste, c'est qu'il n'aura bien sûr pas droit au bonheur.
Tout ça n'empêche pas l'inévitable: à la fin, l'ancien va régler ses comptes. Et ça va être très sportif...


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