
Pour la troisième fois consécutive, après Wild rovers (Western) et The Carey Treatment (plus ou moins un film noir à la sauce hospitalière et sentimentale), Edwards ne tourne pas de comédie. Mais le pedigree de ce film est difficile à définir; le fait d'échapper au burlesque qui a fait la renommée de l'auteur de The Pink Panther et The Party n'empêche absolument pas l'ironie mordante, pas plus qu'un romantisme un brin triste, apporté ici essentiellement par le personnage de Julie Andrews, qui tourne pour la deuxième fois avec son mari...
Elle y interprète une jeune veuve Anglaise, Judith Farrow; son mari est mort quelques années auparavant dans un accident de voiture qui la hante, et elle sort d'une histoire compliquée et peu glorieuse: elle travaille pour le ministère de l'intérieur, et elle a eu une liaison avec un sous-fifre de son ministre. En vacances à la Barbade elle est accostée par un homme, en vacances lui aussi. Fedor Sverdlov (Omar Sharif) est un attaché militaire à l'ambassade d'URSS à Londres, et ne s'en cache d'ailleurs pas. Il va jusqu'à dire à Judith qu'une fois revenu en Angleterre, il prétendra essayer de la convertir a marxisme-léninisme afin de pouvoir continuer à la voir sans éveiller de soupçons auprès de sa hiérarchie.
Une fois Judith revenue à Londres, elle va effectivement revoir Fedor, sous une haute surveillance, non seulement des services secrets Russes, mais aussi du ministère; en effet, le ministre de l'intérieur semble particulièrement s'intéresser à cette affaire. Du coup, l'idylle devient un enjeu particulièrement important dans les relations internationales... Ce qui n'empêche pas les réticences de Judith: elle accepte de revoir Fedor, mais cotinue à repousser ses avances.
Dans The great race, on se rappelle comment Tony Curtis, engagé dans une course sous les yeux du monde entier, prenait la décision soudaine de tout arrêter afin de prouver son amour à Natalie Wood; de même, Lili (Julie Andrews) dans Darling Lili perdait son patriotisme pour les beaux yeux de Rock Hudson, et Peter Carey (James Coburn) dédiait dans The Carey Treatment à peu près autant de temps à son couple avec Jennifer O'Neill, qu'à son enquête pour meurtre. Pour Blake Edwards comme pour HItchcock, un film se doit d'obéir à un commandement: "boy meets girl"! Et ce film élégant, voluptueusement lent et méthodique ne nous raconte pas autre chose.
A l'âge atomique, alors que les rapports internationaux, surtout s'ils impliquent la Russie, se compliquent dangereusement, le metteur en scène nous raconte donc une histoire d'amour, rendue d'autant plus charmante qu'elle attendra longtemps avant d'avoir une réalité physique (ce qui la différencie considérablement du reste du monde, d'ailleurs, la coucherie étant ici souvent la forme la plus simple mais aussi la plus directe de compromission, de corruption et de duperie)... Son couple est finalement un vrai couple de cinéma à l'ancienne, qui évolue dans un monde qui ne semble pas les toucher.
Une fois de plus, on a le sentiment qu'Edwards a un peu trop facilement fait passer la forme avant le fond (Ce que confirme un générique signé du maître du genre, Maurice Binder), mais il le fait avec une vraie sensibilité, et avec des acteurs en majorité Britannique qui ne s'en laissent pas compter. Une quasi-réussite, donc.
