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18 mars 2018 7 18 /03 /mars /2018 08:59

Admettons qu'on n'attendait pas forcément Jodie Foster sur le terrain de la parabole socio-économique, avec une prise d'otages dedans! C'est que la réalisatrice de Little man Tate, Home from the holidays et The Beaver, faisait jusqu'à présent dans l'exploration de la famille... Mais ça n'empêche ni l'indignation, ni les convictions. Et Foster s'est beaucoup fait la main sur des séries ces dernières années... On ne s'étonnera bien sûr pas vraiment de trouver ici George Clooney, dans un rôle qui lui permet de choisir plusieurs cibles sans aucune hésitation pour la parodie: les présentateurs télé les plus odieux d'une part, et son Lee Gates est particulièrement poussé dans le genre, et les obsédés de l'argent d'autre part, ces journalistes, chroniqueurs ou consultants, qui commentent dans les médias les flux d'argent et la bourse comme on parlerait de sport.

Et c'est là que, je pense, on peut sans aucun problème parler d'indignation, car ce que rappelle Money monster, c'est précisément que derrière ces mouvements d'argent, cet appel à l'actionnaire à faire monter ou descendre des titres, il y a des gens qui risquent leur pécule, et parfois même leur santé... Un jour, l'un d'entre eux, Kyle Burdwell (Jack O'Donnell), attiré par les chroniques de Lee Gates et séduit par un titre qui "était moins risqué" qu'un compte d'épargne, selon le commentateur, a risqué tout ce qu'il avait, et... tout perdu. Et il n'est pas le seul: quand le film commence, le désastre vient d'avoir lieu, et Lee Gates commente nonchalamment la chose, sans savoir que dans le studio derrière lui, Kyle Burdwell se tient prêt à intervenir. IL est armé, il a deux ceintures d'explosifs, et il entend bien se venger, et venger tous les tous petits actionnaires, d'un système qui ne tourne pas rond. Et tant qu'à faire, il veut effectuer cette vengeance en direct à la télévision...

Le film commence justement par le début d'une chronique de "Money Monster", l'émission de Gates. C'est un personnage odieux, qui transforme tout en spectacle vulgaire, mais l'équipe, très professionnelle, le suit. Chaque détail est en réalité plus ou moins conforme à un script, même si la réalisatrice, Patty (Julia Roberts), se plaint souvent de l'imprévisibilité de son présentateur. Mais enfin, on sent l'émission ultra-populaire... dont le sujet finit par disparaître au profit du show.

C'est que le film nous parle, quand même, de la perte des repères, de l'abandon des valeurs, de l'absence de dignité: aussi bien celle des spéculateurs, et des groupes financiers, qui sont pointés du doigt de plus en plus au fur et à mesure de l'évolution du film, mais aussi bien sûr celle des médias, et de tous ceux qui y travaillent (lors de la prise d'otages, on constate que la phrase la plus souvent entendue par Kyle Burdwell quand il s'adresse aux techniciens, c'est "Hey, I just work here, alright?", un abandon du libre-arbitre, au profit d'une mise à disposition de l'être humain à ses supérieurs hiérarchiques: bref, "ce n'est pas moi, c'est le système". 

Ca devient assez vite naïf, et un peu gros: par exemple, vêtu d'une ceinture d'explosifs, Clooney va se ranger finalement aux côtés de son preneur d'otages, et à eux deux ils vont se lancer dans une croisade express contre un groupe de spéculateurs qui, on va le découvrir, ont un certain nombre de casseroles... Durant le film, ça passe tout seul, mais ça reste quand même un peu louche. Mais le film se soumet à un rythme, chaotique et très rapide dans la mesure où une bonne part, et c'est là l'intérêt, est vue du point de vue de Patty, la réalisatrice. Celle-ci, qui doit garder un oeil sur tout, et anticiper, et parfois même piloter une action extérieure à l'émission, devient inévitablement un relais de Jodie Foster elle-même, et elle est un peu complétée par une autre femme: Diane Lester (Caitriona Balfe) est la porte-parole du groupe qui a plongé, et elle apprécie peu d'être la lampiste d'un système dont elle se sent elle aussi la victime. En cherchant son patron, qui est supposé injoignable, elle va découvrir des malversations...

Tout va finir pour le mieux dans le meilleur de

s mondes? Non, bien sûr, pas tout à fait. Si le film entremêle deux styles, l'un inspiré par la comédie, l'autre hérité du thriller, il reste aussi un drame humain et le rappelle constamment. On passera sur certains personnages peu développés et parfois excessivement caricaturaux (La petite amie enceinte du preneur d'otages, convoquées pour le faire lâcher prise, et qui lance dans une bordée d'injures, et lui disant "allez, vas-y, fais tout exploser!", n'est pas du meilleur goût...), ou sur le fait que les techniciens, qui risquent (du moins le croient-ils, et nous aussi) d'exploser à tout moment, réussissent à trouver le moyen de mettre le show sur les ondes, et de reprendre le contrôle de la diffusion du drame humain qui se joue sous leurs yeux. C'est douteux, et ça a un peu tendance à diluer une partie du message, car la télévision et les médias jouent quand même, dans la situation de base de ce film, un rôle considérable.

Peut-être que le fait que Clooney et Roberts soient à la barre a poussé Jodie Foster à les dédiaboliser? Peut-être que la parabole se doit d'être simplifiée? Peut-être que... ce n'est qu'un film? 

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Published by François Massarelli - dans Jodie Foster George Clooney