
Le personnage de Maciste interprété par Bartolomeo Pagano provient du très long métrage Cabiria, de Giovanni Pastrone, le film fondateur essentiel de la cinématographie Italienne, sorti en 1914. Ce personnage de serviteur du héros, doté de muscles impressionnants et de la force qui va avec, a résonné d'une façon très positive dans l'Italie pré-fasciste, et une fois Mussolini au pouvoir, son succès a continué avec une série de longs métrages, dont assez peu nous sont parvenus. Celui-ci, l'un des seuls qui soient conservés complets, a la réputation d'être l'un des meilleurs...
Maciste vit tranquillement dans une petite ville, en rêvant à sa jolie voisine, Graziella (Pauline Polaire) et en cultivant pacifiquement son jardin. ce brave homme à la force brute, doux comme un agneau et doté d'une moralité sans faille, est déclaré par le personnel des enfers ennemi public numéro un, et le roi des enfers, Pluton, décide d'envoyer un commando pour le neutraliser, et accessoirement faire le mal un peu partout, ça ne mange pas de pain... De plus, le chef de l'expédition, Barbariccia (Franz Sala), compte bien profiter de la situation pour se faire bien voir non seulement de sa maîtresse, la reine des enfers Proserpine (Elena Sangro), mais aussi des diables dans leur ensemble, et pourquoi pas renverser Pluton...
Sur terre, Barbariccia met la pagaille dans la vie de Graziella, tant et si bien que Maciste va intervenir... et se retrouver aux enfers, pour y distribuer les bourre-pifs...
Littéralement.
...Mais il va aussi découvrir les lieux, en visiteur, à la façon de Dante, et y affronter des dangers bien plus graves que le feu éternel: les manigances de deux femmes, et l'agitation politique des diables mécontents. Sa force brute sera donc bien mise à l'épreuve...

D'un côté, c'est un film à ne surtout pas prendre au sérieux, dans lequel Bartolomeo Pagano s'amuse comme un gosse à redresser les torts en posant les questions uniquement une fois que la réserve de baffes est épuisée. Il a un peu la carrure et l'intellect d'un Obélix, et d'ailleurs une scène qui le confronte à Barbariccia (lui tellement malingre, qu'il passerait sans doute sans trop de problèmes entre une affiche et un mur sans décoller l'affiche), oppose la force à l'intelligence, et sous-entend clairement que celui qui ne possède pas la force n'a aucune chance! Mais les concepteurs du projet se sont eux aussi amusés avec cette histoire qui mobilise des tonnes de gens tous nus, des décors de grottes, et surtout des effets spéciaux d'époque, dus à l'intelligence, justement, de Segundo de Chomon, LE disciple Européen de Méliès toujours dans les bons coups depuis 1910! Ce Maciste aux enfers doit d'ailleurs beaucoup à un autre film, le premier long métrage du cinéma Italien, L'inferno, de Giuseppe de Liguoro et Frencisco Bertolini (1911): au point d'en citer des passages dont certains plans directement tirés du film.
Maintenant, on cherchera évidemment un sens vaguement politique à tout ça, forcément, un film produit avec la bénédiction de Mussolini (qui avait la réputation d'adorer Maciste) ne pouvait qu'opérer un renvoi d'ascenseur, fut-il infime: ici, on constatera que le "message" habituel des films de Maciste (la force: bien; l'intellect, pour quoi faire?) qui célèbre avec bonhomie la masculinité triomphante, se double ici d'une tendance à railler les gouvernements flous (les démocraties, par exemples) où n'importe qui peut devenir chef, et ça commence toujours par contester.
Mais le principal atout du film, c'est quand même le plaisir de voir le héros sans second degré ne faire qu'une bouchée de démons hirsutes, dans des grottes sous-éclairées, sous les yeux des femmes qui sont émues par sa force. Comment voulez-vous prendre ça au sérieux? ...le film non plus ne le prend pas au sérieux, et tant mieux!
