
La première question que je me pose, c'est "mais qui donc est Rebecca Blunt?"... La scénariste du film, en effet, est une inconnue, supposée être une amie du couple Soderbergh, et qui aurait proposé un scénario au metteur en scène à l'époque de sa retraite volontaire (Qui est désormais du passé, et je m'en réjouis), afin qu'il lui conseille un metteur en scène. Selon Soderbergh lui-même, le film lui est apparu comme un évidence, et il s'est mis en route. Ajoutant donc sans nul doute Rebecca Blunt à la liste de ses collaborateurs fréquents, comme Peter Andrews (une fois de plus chef opérateur sur ce film) et Mary-Ann Bernard (Monteuse favorite de Soderbergh en encore à la manoeuvre). Donc qui qu'elle soit, bienvenue à elle!
Les Logan sont une famille de Virginie Occidentale, des gens bien modestes: Clyde, le jeune frère (Adam Driver) a été en Irak, où il a perdu sa main gauche, et un peu de son acuité intellectuelle; Mellie (Riley Keough) est coiffeuse et se débrouille; enfin Jimmy (Channing Tatum) vit de petits boulots occasionnels, a une fille adorable d'un mariage raté. Un jour, Jimmy est viré de son travail, et n'attend pas avant de se lancer dans un projet de casse. Ce n'est pas son premier projet, mais c'est le premier qu'il va essayer de vraiment faire aboutir, et pour le mener à bien, Jimmy, Clyde et Mellie ont besoin d'un certain nombre de personnes: parmi elles, les frères Bang, dont l'ainé, Joe (Daniel Craig) est en prison. Le casse est organisé avec des bouts de ficelle, et se déroule dans les coulisses d'une compétition sportive...
On pense à Ocean's eleven, bien sûr (Et Soderbergh y a pensé lui aussi, y faisant même allusion dans le film), mais inversé: là où d'authentiques experts de la bricole, dotés de moyens conséquents, et ayant longuement répété chaque détail de leur casse, opéraient à Las vegas, les Logan n'ont pas grand chose... Et ils sont complétés par des petites gens, Sudistes jusqu'au bout des ongles, qui n'ont pas grand chose à leur apporter, sinon parfois leur naïveté et cet accent fabuleux.
Tout en préservant l'identité de son cinéma (le film est constamment axé sur la mise en scène du casse par Jimmy lui-même, parfois au détriment de ses complices, et toujours à l'inverse du public: toutes les séquences fonctionnent sur le principe de montrer des actions énigmatiques, qui ne seront expliquées qu'avec un temps de retard, comme d'ailleurs le casse lui-même... ), on a parfois le sentiment que Soderbergh s'aventure ici sur un terrain qui serait plutôt celui des frères Coen: une histoire plus sudiste qu'il est permis, située à l'orée des Blue Ridge Mountains, avec des pauvres petits blancs paumés, dotés d'un accent tellement gros qu'on jurerait une caricature... Sauf que la tendresse pour les personnages de Robin Hood servis par eux-mêmes est plus que palpable, et que la caricature n'excède jamais les limites de la décence. Et si c'est un petit retour pour Soderbergh, il n'empêche: il m'avait manqué.
