
Al Jennings (1863-1961) était un bandit. Du moins, entre le printemps et l'automne de 1897: révolté après la mort de son frère l'avocat Ed Jennings, lui et son frère se sont mis à attaquer des banques et des trains, avant d'être capturés en novembre, et envoyés au pénitencier. Libérés par le président McKinley et réhabilités par le président Roosevelt (Theodore), les deux hommes auraient pu se fondre dans la masse et se faire oublier...
Ce serait beaucoup demander à Al Jennings: celui-ci avait des histoires à raconter, et pour commencer la sienne, ou du moins les versions qu'il lui plaisait de colporter... Car dans son optique, leur cavale miteuse devenait systématiquement épique, et de deux sales gosses attardés, en colère ou en rébellion plus ou moins circonstancielle contre la société, on passait volontiers à une relecture de Robin des Bois, en plus flamboyant encore... Après quelques tentatives malheureuses d'entrer en politique, Jennings a profité de sa notoriété acquise avec un article du Saturday Evening Post, pour... entrer en cinéma!
Le premier de ses films, Beating back, a eu un certain succès; il est aujourd'hui perdu... Mais le deuxième long métrage d'importance associé à Jennings, celui qui a la réputation d'être le meilleur, c'est ce film de cinq bobines produit par l'ex-bandit lui même, et qui le fait revivre un épisode marquant de sa (courte) carrière d'outlaw... Mis en scène par un jeune réalisateur, qui avait un peu traîné sur les plateaux de Griffith, c'est plus un témoignage sans concession sur la vie à la dure de la Frontière, qu'une aventure de ce pauvre Jennings, qui traverse le film en se faisant beaucoup moins voir que son frère Frank...
Al et Frank Jennings font un coup dans une petite ville, et cherchent à échapper à leurs poursuivants: ils se réfugient dans le désert auprès d'une jeune femme et de son fils. Elle vit dans une extrême misère, dans une cabane creusée à même le sol, et n'a plus rien à manger. Les deux frères décident de lui venir en aide, et pour ça vont organiser un casse de la banque qui l'a mise sur la paille...
Je vous le disais: Robin des Bois! Mais l'intérêt est vraiment ailleurs, dans la façon dont Van Dyke se réfugie dans un naturalisme jamais excessif et tellement plus efficace que le romantisme louche de William Hart, et dans la poésie rugueuse qui se dégage de ces décors plus authentiques que jamais. La vie à la dure fascinait déjà le jeune metteur en scène, et l'inspirait...
Quant à ce pauvre Al Jennings, il est sans doute bien plus intéressant en tant que conteur qu'en tant que bandit... Ca peut, et The lady of the dugout en est la preuve, faire un bon film!