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19 août 2018 7 19 /08 /août /2018 09:54

Un seigneur Japonais, soupçonné d'entretenir le chaos et la sédition car il est bon avec ses sujets, est destitué. Il doit partir en exil, et sa famille est forcée de le quitter. Tamaki (Kinuyo Tanaka), son épouse, part donc sur les routes en compagnie d'une domestique fidèle et de leurs deux enfants, le garçon Shizu et la fille Anju. Leur situation, précaire, ne s'améliore pas lorsqu'un décret interdit aux particuliers d'accueillir des inconnus... Ils trouvent pourtant refuge auprès d'une vieille femme, mis c'est un piège: le lendemain, des pirates enlèvent Tamaki et livrent Shizu et Anju à un intendant, le cruel Sansho (Eitaro Shindo). Celui-ci va les exploiter, comme esclaves. Ils vont grandir: Shizu (Yoshiaki Hanayagi), qui fait rigoureusement ce qu'on lui demande, va-t-il devenir à son tour un bandit? Ou Anju (Kyoko Kagawa), qui n'a jamais renoncé à fuir, va-t-elle lui permettre de garder son humanité, et de retrouver le désir de liberté? Pendant ce temps, Tamaki devient une courtisane, mais ses jours ne sont-ils pas comptés?

Il faut toujours savoir se méfier des chefs d'oeuvre officiels... Pourtant, Sansho Dayu est un grand film, qui a gagné le lion d'or à Venise: la troisième fois consécutive pour son metteur en scène, Kenji Mizoguchi, un cas unique dans l'histoire du festival... Bon. Et ce film totalement ancré dans on œuvre brasse des thèmes importants, notamment celui de la résilience de l'homme, de la souffrance des femmes, et de l'injure qui leur est parfois faite avec la bénédiction de la loi. Après les années de guerre et de troubles divers (qui durent depuis bien longtemps au japon), le questionnement est pertinent. Mais si la première moitié du film ne souffre d'aucun défaut, c'est lorsqu'on se concentre sur le personnage de Shizu que le bât blesse. Celui qui revient progressivement à la vie, qui prend en charge son destin, et qui va finalement retourner la situation pour réparer, au moins partiellement, une injustice, n'était à mon avis pas le plus intéressant, et il suffit de voir le traitement accordé par le réalisateur au suicide de Anju, pour constater qu'il aurait sans doute lui aussi été plus intéressé par ce personnage, femme forte, véritable moteur de la rébellion de son frère, et dont le sacrifice va être l'élément déclencheur du retour de Shizu à sa mère...

Donc, le film est hélas redondant, dans sa dernière demi-heure en particulier. Ce qui n'enlève rien bien sûr à la force du message, qui condamne toute attaque à la liberté, et scrute avec une certaine franchise les comptes du passé Japonais, et de ces époques médiévales qui s'accommodaient si bien de l'esclavage, de la prostitution, et de tous les mauvais traitements qui y sont liés. Et Mizoguchi utilise la nature avec génie, contrastant les premières séquences de la fuite en famille (tournées en studio, donc avec une nature sous contrôle), et les scènes de captivité des enfants, situées après la séparation (tournées en décors naturels, et d'un grand réalisme selon la tradition du film de période). C'est superbe, bien sûr... Mais je continue à préférer à cette belle reconstitution, le conte intérieur d'Ugetsu, ou le réalisme urbain de Akasen chitai. Question de goût, je suppose... Et peut-être aussi Mizoguchi visait-il directement et sciemment son troisième Lion d'or...

 

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Published by François Massarelli - dans Kenji Mizoguchi Criterion