
Les années 20 auront été le théâtre, en Europe et surtout en France, de l'éclosion inattendue d'un grand nombre de cinéastes auto-proclamés. Inattendue parce que dès cette époque, ce qu'on appelle aussi le septième art est quand même déjà, de façon évidente, une industrie, et que la vaste majorité des metteurs en scène sont des techniciens ayant appris leur métier en studio: alors qu'avec Renoir, Chomette, mais aussi le jeune Carné ou encore Man Ray on parle de passionnés, qui ont sauté le pas, trouvé un financement, et commencé une carrière... Qui pour certains allait les mener loin.
Le financement des premiers films de Renoir (et avant celui-ci, du long métrage Catherine ou une vie sans joie d'Albert Dieudonné, produit par le fils du peintre) était lié à son patrimoine: besoin d'argent? Vite, vendons quelques tableaux! Ce qui lui a permis effectivement de réaliser ce film, mais aussi de s'imposer sans trop rencontrer de résistance comme le patron: tant mieux, parce que sinon il était mal parti...
Gudule (Catherine Hessling) est une "fille de l'eau", qui vit sur une péniche avec son père et son inquiétant oncle (Pierre Philippe). Un jour, le père disparaît, tout bêtement tombé de la péniche et noyé... L'oncle hérite de l'affaire et ne tarde pas à tout perdre en plongeant dans l'alcool... Il aura juste le temps de tenter de violer la petite avant. Elle s'enfuit, est recueillie par des gitans, qui rencontrent un problème avec la population locale, ce qui pousse la jeune femme à retourner sur les routes. Elle est finalement recueillie par une famille de braves gens, dont le fils (Harold Lewingston) en pince pour elle. Mais l'oncle refait surface et demande de l'argent...
Il y a un passage que l'histoire du cinéma a estampillé "incontournable", à peu près au centre du film: c'est un rêve délirant, qui a été influencé sans aucun doute par la vision du Brasier ardent, d'Ivan Mosjoukine: ce film génial de 1923 est celui qui lui a donné l'envie de faire du cinéma... Le rêve n'a ni queue ni tête, mais c'est effectivement une concentration d'idées qui n'ont pas peur d'être saugrenues, bien enchaînées les unes aux autres... Et la scène du viol, un sujet qui décidément semble inspirer le cinéma, Renoir montre qu'il a compris le montage, et comment associer le spectateur à ce qui lui est montré.
Mais pour le reste, ce film vaguement naturaliste est d'un inintérêt généralisé. Catherine Hessling est atroce (je lui taillerai un costard un autre jour, et puis c'est tellement facile), mais à sa décharge, elle n'était pas comédienne, après tout. Pas plus que tous les autres protagonistes, pas plus du reste que Renoir n'était un cinéaste. En 1924 du moins, car parfois, pas souvent mais parfois, ça se discute.