
Continuant à explorer la notion d'héroïsme qui le passionne tant (en vrac, Unforgiven, Flags of our fathers, Gran Torino, American Sniper et Sully en sont des étapes essentielles), Clint Eastwood s'est précipité sur cette anecdote récente pour en tirer un film, et tant qu'à faire, engager pour interpréter les "héros du Thalys", les trois personnages eux-mêmes, qui ont commis l'action héroïque dont il est ici question: je veux bien sûr parler de ce terroriste qui avait été empêché de commettre un massacre dans un train Européen qui allait ce 21 août 2015 d'Amsterdam à Paris, par l'intervention d'un Britannique mais surtout de trois hommes Américains, tous amis et originaires de Sacramento.
Et tout ce petit monde se vautre dans les grandes largeurs, ce film "ni fait ni à faire" (une expression que j'utilise mais qui me pose toujours des questions, puisque s'il y a bien un reproche à faire à ce film c'est précisément d'avoir été fait!) qui repose essentiellement sur une action certes héroïque voire spectaculaire, qui n'occupe que quelques minutes, est l'occasion pour Eastwood, dans une salade à la chronologie hasardeuse, de déconstruire et reconstruire l'histoire de la vie de ces trois héros (le Britannique étant tout bonnement ignoré), en nous racontant leurs vies qui mènent à cette action.
Quoique...
Si Alek Skarlatos et Anthony Sadler jouent effectivement leur rôle, c'est quand même Spencer Stone qui se taille la part du lion. Les mauvaises langues pourront toujours dire que c'est parce qu'il est le seul W.A.S.P. des trois (ce qui est parfaitement exact du reste), mais je pense qu'il a été "choisi" par Eastwood pour être le centre de sa narration, parce qu'il était celui des trois qui a donné l'impulsion de résistance et utilisant sa formation de militaire d'un côté, et son courage bien sûr, de l'autre; et Eastwood a écouté les trois hommes dire que Spencer était celui qui "sentait" que quelque chose allait arriver.
Hein?
Bref, ces trois hommes que rien ne destinait (ou alors si, Dieu, ou la providence, ou Krishna, ou le Cosmos) à devenir des héros, sont devenus des héros, au terme d'un parcours qui nous est conté par le menu: scolarité médiocre (la faute aux profs, tous des nuls), envie d'aller dans l'armée, mais là aussi les classes sont assez peu probantes, et de visites chez le directeur de l'école, en passe-temps guerriers (armes, chasse, etc... Bref, des hobbies normaux, quoi), nous arrivons à une série de séquences molles du genou qui nous racontent les pérégrinations de ces trois futurs héros en Europe, se saoûlant, mangeant de la pizza, et faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies faisant des selfies avant de prendre un train parce que Spencer pense qu'on doit prendre un train.
Non seulement Clint Eastwood qui a pourtant toujours été un peu Hawksien sur les bords, pensant qu'un shériff doit faire un travail de shériff et un militaire un travail de militaire, demande aux trois faiseurs de selfies de s'improviser acteurs, et certes, ils ne s'en tirent pas trop mal, sachant que les dialogues sont indigents (attends, on va faire un selfie) et que le metteur en scène ne fait qu'une prise de chaque plan. Mais fondamentalement, l'histoire de ces trois médiocres qui deviennent des héros finit par être déplacée, et ressemble à une propagande pour le libertarianisme à la Eastwood, sous ses pires penchants. Sinon, ce film est nul.