
On ne sait pas grand chose de Lita Lawrence, une femme qui s'impose dès le générique en reprenant à son compte la façon dont souvent des réalisateurs comme Stroheim ou DeMille cultivaient leur prépondérance en introduisant leurs films: "personally directed by Lita Lawrence". Elle conclut aussi ses six bobines en signant littéralement! Mais eu-delà de l'évidente fierté de la conceptrice, auteure-réalisatrice et très certainement productrice de ce film oublié, je pense que le film est fascinant par ce qu'il nous révèle de l'esprit d'une époque.
On s'attend à un documentaire, et par certains aspects, on y est effectivement confronté, mais il y a une intrigue dans ce film, aussi ténue soit-elle... Après avoir, par humour ou provocation, commencé le film par la vision d'un mariage, le genre de plan qui finit un film plutôt, Lawrence nous parle de deux familles: un couple modeste, dans lequel les matinées commencent tôt, par un mari qui doit se rendre au travail, et une épouse qui doit gérer toutes les tâches ménagères; bref, on s'engueule... C'est plus policé dans un deuxième ménage, où l'on est surtout préoccupé des cocktails et soirées qui sont prévues dans la semaine. Mais les deux couples vont avoir un enfant, et les réactions, la gestion de la maternité à venir, et l'évolution des espoirs et craintes vont être détaillées dans le film...
Pour commencer, on peut constater que, qu'il s'agisse d'une précaution oratoire visant à désamorcer toute tentation de censure ou pas, le film convoque par ses intertitres toute la panoplie de la bonne morale chrétienne du début à la fin. On est donc confronté à un prêchi-prêcha assez insistant, tout au long des six bobines! Et le principal obstacle dramatique est situé très tôt dans le film, dans une discussion entre la dame riche et son médecin, qui désapprouve la tentation de l'avortement exprimée par sa patiente. Pour le reste, il s'agit essentiellement d'une célébration de la maternité, qui commence nous explique-ton, neuf mois avant l'arrivée de la cigogne. Le film se veut moderne, dans la mesure où il contient aussi une solide dose de craintes, une réflexion sur les changements profonds de la vie de couple, et une partie située dans une clinique, qui manque bien sûr particulièrement de réalisme, mais comment en aurait-il pu être autrement?
Sinon, la mise en scène est intéressante par les choix de Lita Lawrence, de différencier la prise de vues, en se plaçant le plus souvent à proximité de son couple "modeste", et à distance de son couple aisé. Les deux effets qui s'ensuivent, sont d'une part de souligner l'espace vide de la grande maison dans laquelle ces deux personnes vivent ensemble, à l'écart l'une de l'autre (et accompagnés d'une poignée de domestiques), mais aussi de nous tenir, justement à distance. Le final, bien vu (meilleur que le reste du film si vous voulez mon avis), opère un rapprochement inattendu mais bénéfique: au pays de l'Oncle Sam, force reste à l'égalité entre êtres humains... Blancs, sans doute: il ne faut pas trop en demander.