
C'est en 1921, soit la même année que ses deux superbes films Too wise wives et The blot, que Lois Weber a réalisé pour sa propre compagnie ce film, qui est sans aucun doute son chant du cygne: après What do men want?, pour Lois Weber, plus rien ne sera comme avant, et pour cause: ce film qui étudiait avec un ton acide, les moeurs des couples mariés en usant d'un certain réalisme, franchissait un certain nombre de limites qui n'étaient auparavant pas infranchissables, mais en fin 1921, après les affaires de moeurs qui avaient entaché Hollywood, c'en était fini. Paramount a donc refusé de distribuer le film, Weber s'est retrouvée plus ou moins black-listée. Du coup, on a au moins envie de voir le film par lequel le scandale est arrivé.
Deux femmes ont des parcours différents: l'une, Hallie, se marie avec son petit ami, et ils ont tout pour être heureux: il est aisé, il est beau, il a des idées et de la ressource. Elle est belle, évidemment. L'autre est plus mal lotie, son petit ami n'est pas sûr de ses sentiments, et il n'a pas autant de ressource. Elle va donc commettre une bêtise, le genre qui a des conséquences, avec lui, et... il va partir pour fuir la médiocrité de sa vie. Du coup, l'infortunée Bertha se jette dans le lac... Mais la réflexion que se fait Hallie (Claire Windsor) devant l'indifférence de plus en plus appuyée de son mari, c'est que l'une comme l'autre ont raté leur vie...
C'est dur, et Lois Weber n'a pas son pareil pour peindre avec talent la petitesse tranquille de l'existence, en deux ou trois touches, dans un cadre si simplement proche de la vie. Et pourtant tout tient à une façon d'explorer le détail, le geste de l'un ou l'autre des protagonistes, et de lier les anecdotes entre elles par un thème. Ici, c'est vraiment le questionnement sur la motivation des hommes dans leur commerce avec les femmes: les posséder un soir, ou tout une vie? Les laisser refléter une jeunesse hypothétique, ou les laisser vous accompagner jusqu'au bout? Certains commentateurs de l'époque ont parlé à propos de ce film d'un prêchi-prêcha insupportable, mais bon: c'étaient des hommes, aussi! Et je ne peux pas plus parler du film, dont seules trois bobines sur six ont survécu (les deux premières et la dernière ont disparu!), si ce n'est en disant qu'une fois de plus on est confronté à une justesse de ton (Claire Windsor est magnifique de bout en bout), à une morale visuelle, et à un sens cinématographique uniques en leur genre.