
Helen Faraday a rencontré son mari alors qu'elle se baignait dans une rivière en compagnie d'autres danseuses; il était en vacances en Allemagne et elle faisait partie des curiosités locales... devenue mère de famille aimante aux Etats-Unis, il va falloir qu'elle redevienne une artiste car Ned Faraday est malade: exposé au radium, il risque même la mort; il faut financer un séjour à l'étranger pour le guérir... Elle retourne sur scène, et va rafler la mise en un soir: en effet, un playboy, Nick, est fasciné par l'artiste et lui donne un très gros chèque. Dès le lendemain, Ned part pour une cure, mais Nick est toujours là...
Un mélodrame, donc, mais un gros, un qui n'hésite absolument pas à faire dans l'excessif, le kitsch voire le franchement invraisemblable... Avec Herbert Marshall dans le rôle de son mari et un tout jeune Cary Grant dans celui de l'amant, Marlene Dietrich est encouragée à en rajouter dans les grandes largeurs. Il est évident que c'est un film pour la galerie, une sorte d'expérience qui multiplie les figures du style: ne serait-ce que pour passer de la ménagère Dietrich à la meneuse de revue Marlene, Sternberg fait en permanence le grand écart, et son film essaie de faire concurrence à tout ce qui se pratique à l'époque: Baby face, d'Alfred Green avec Barbara Stanwyck, Susan Lennox de Robert Z. Leonard avec Greta Garbo pour la fuite en avant, et Three on a match de Mervyn Le Roy pour la déchéance fulgurante de Ann Dvorak...
Tout y passe dans ce film dont une fois de plus l"esthétique prime fermement sur l'intrigue, et dont les scènes mémorables s'enchaînent sans vergogne: la scène inaugurale où Sternberg joue avec la nudité (et donc la censure) en montrant des Américains tout émoustillés devant des naïades en tenue d'Eve, mais aussi la célèbre danse avec Marlene Dietrich en orang-outang (mais oui!!!) qui joue d'ailleurs sur les pires clichés coloniaux, et d'autres: une scène nous rappelle le pouvoir de la mise en scène d'un auteur qui avait déjà un talent fou à l'époque du muet: le mari vient de reprendre son enfant à son épouse en fuite, et elle regarde partir le train en silence, mais en un ou deux gestes, l'immense douleur se fait sentir...
Ce n'est pas un grand film, c'est presque un état des lieux,une déclaration d'intentions, ou un catalogue. Mais la photographie est soignée à l'extrême comme de juste, les excès sont tellement voyants qu'ils en deviennent des prouesses, et de toute façon, dans ce monument de kitsch, personne n'est dupe: comment s'étonner qu'à sa façon ce film soit devenu un classique?
Hélas: elle chante, trois fois. Trois fois de trop.


