
1940: les nazis s'apprêtent à fondre sur l'Europe et selon toute vraisemblance vont ne faire qu'une bouchée des Français et des Belges. Conscients du risque de la barbarie mais déterminés à maintenir la paix à tout prix, le premier ministre du Royaume Uni, ainsi accessoirement que le roi George VI ont du mal imposer leur vision, d'autant que l'opinion, mais aussi les partis d'opposition, considèrent Chamberlain comme l'un des responsables indirects de la montée en puissance d'Hitler... Un changement de leader s'impose au parti conservateur, qui entraînerait un changement de cap purement symbolique. Chamberlain est donc à la manoeuvre pour trouver un remplaçant, si possible un homme de paille.
On choisit donc ce pauvre Winston Churchill... Le film va raconter comment en quelques semaines, le leader hésitant et arc-bouté sur une vision de la guerre restée bloquée sur 1915, va se transformer par la grâce de son environnement, en un symbole de résistance...
Et disons-le tout de suite, car ça fait beaucoup râler nos critiques jamais contents, oui: Churchill est ici un peu sa version officielle. Il n'est pas question des zones d'ombre, si ce n'est à travers un pragmatisme un peu cafouilleux. Rien sur son antisémitisme avéré, rien non plus sur son conservatisme d'un autre siècle. Et puis après tout, ce n'est pas le sujet: le propos du film, c'est la place d'un homme dans l'histoire, ce n'est pas l'histoire de cet homme! Le film commence et finit au printemps 1940, avec comme point culminant un discours retentissant, célèbre, et profondément juste: celui par lequel Churchill, dont on attendait qu'il lance des négociations de paix avec Hitler, finit par affirmer sa volonté de défendre jusqu'au bout la Grande-Bretagne, et par là-même, la liberté et la démocratie...
Le film de Wright est l'occasion pour le metteur en scène de dépoussiérer son style "évocation BBC" de Charles II: the power and the passion, sa mini-série de 1999, et d'en enrichir la mise en scène par un recours aux décors virevoltants, en plus réaliste toutefois que le brillant mais baroque Anna Karenina; il se glisse derrière Gary Oldman dans les dignes palais de l'Empire Britannique (Westminster, Buckingham, comme dans les poussiéreux couloirs souterrains des QG de campagne. Et il n'oublie pas non plus de suivre son sujet (ses cigares, ses verres d'alcool à heure fixe, ses colères marmonnées, ses éclats de voix) chez lui, au milieu de ses proches et de ses amis. Et le film se laisse voir sans aucun temps mort...
On pourra éventuellement reprocher à Gary Oldman un cabotinage excessif (mais l'acteur n'a jamais été un minimaliste...), et je dois avouer qu'il est certes impressionnant, mais que j'ai du mal à voir Churchill dans sa composition: la voix, peut-être? le double menton? Qu'importe, ce film qui fait semblant d'épouser le lyrisme des temps héroïques qu'il nous conte est surtout une nouvelle évocation d'une personnalité inadaptée face à un destin paradoxal: une fois de plus, un sujet qui pousse le metteur en scène à être extravagant. C'est aussi ça, le cinéma... Bref, du plaisir.