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15 mars 2019 5 15 /03 /mars /2019 09:20

Le quatrième film d'Anderson est l'un de ses plus étranges, et aussi l'un de ses plus attachants. Il ne se rattache à aucun genre connu, et son étrangeté est basée sur une myriade d'ingrédients... Bref, c'est un cas.

Barry Egan (Adam Sandler) est un commercial dans une entreprise de vente de ventouses à toilettes, et c'est franchement un garçon décalé: travaillant le plus souvent seul et dans un entrepôt où il n'a qu'à répondre au téléphone, il vient en costume, un costume bleu qui restera d'ailleurs la seule tenue du bonhomme durant tout le film. Et Barry Egan vit un cauchemar: alors qu'il a un métier, certes tristounet, mais qui lui laisse des loisirs, et qui lui fait côtoyer des gens sympathiques et compréhensifs (dont Luis Guzman), il a sept soeurs qui lui empoisonnent l'existence... Elles le harcèlent, autant de questions que de réflexions voire d'insultes. Elles sont obsédées par le fait de le marier, et Barry avec elles est toujours tendu, voire sujet à de soudaines crises de violence. Et le jeune homme est réticent au contact avec la gent féminine...

Jusqu'au jour où trois événements se déroulent: le même jour, bien sûr, comme si on était un peu dans un conte de fées... Un harmonium est déposé devant le siège de son entreprise, sans aucune explication. Une femme entre dans l'enceinte, une Anglaise, Lena Leonard (Emily Watson): Barry ne le sait pas encore, mais c'est une collègue d'une de ses soeurs qui a craqué sur sa photo et a voulu le rencontrer sous un prétexte quelconque. Et le troisième événement, aux conséquences importantes, est l'idée saugrenue de confier ses tourments à un service de sexe téléphonique; en les contactant, Barry a mis le pied dans un engrenage de chantage et d'extorsion de fonds, mené depuis un trou perdu en Utah, par un vendeur de matelas (Philip Seymour Hoffmann)...

Oui, vous pouvez relire ce résumé, je n'en retrancherai pas une ligne: c'est bien, à peu près, l'exposition de cet étrange film...

Donc Barry est un ajout important à la galerie des personnages décalés de P.T. Anderson, avec son costume unique, ses manières excentriques, et une certaine tendance à parler en dedans, comme si c'était pour lui seul, et sans être toujours intelligible: il y a un précédent, il s'appelle M. Hulot. Mais c'est un Hulot auquel ses soeurs diraient constamment qu'il est étrange, qu'il faut qu'il change, voire qu'il est gay. C'est un Hulot au bord de la dépression, et que la rencontre avec une femme parfaitement angélique, qui l'a manifestement élu: pourquoi, mystère... Mais voilà, elle le veut, et elle l'aura.

Il y a beaucoup d'humour, et la comédie affleure en permanence, mais jamais franche et massive. Le film, et surtout sa première partie, distille un malaise par l'utilisation du point de vue de Barry, celui qui ne sait pas où se mettre. Et Anderson manie à la perfection le plan-séquence, tout en intégrant dans son histoire d'amour de nombreux champs-contrechamps: il sait qu'il va devoir changer le point de vue à l'occasion, et intégrer Lena à son dispositif. Sans pour autant qu'elle devienne notre guide dans le monde de Barry: elle aussi garde sa part de mystère, et Emily Watson sait jouer sur la simplicité de la jeune femme pour nous la rendre attachante mais aussi énigmatique. Une énigme que le film ne résoudra pas...

...Pas plus du reste que celle de l'harmonium: si ce n'est que le compositeur s'est saisi de la présence de l'instrument pour baser sa composition. Et du reste, Jon Brion a suivi Anderson dans le choix d'une bande originale foncièrement expérimentale. Elle ajoute à l'étrangeté et au malaise des scènes qui nous offrent de suivre le point de vue de Barry, et sa confusion persistante.

Reste que dans ce film, nous assistons aux amours compliquées et noires d'un couple fait d'un jeune homme au comportement troublé, pour ne pas parler de troubles du comportement, et d'une jeune femme qui sait ce qu'elle veut. Il est en bleu, elle est en rouge. Il est compliqué à l'extrême, doté de sept soeurs. Elle est fille unique, et d'une simplicité directe et désarmante. Comment voulez-vous résister?

 

 

 

 

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Paul Thomas Anderson Criterion