
Les partisans de la politique des auteurs en seront pour leurs frais... en attendant, ce film intrigant et puissant a bien été vendu comme un western, dans le cadre de la production de films de genre par Cecil B. DeMille, qui était soucieux de remplir les salles afin de pouvoir continuer à financer ses projets coûteux. William K. Howard est ce qu'on appelle un solide technicien, et on lui doit quelques films intéressants: celui-ci est sans doute au sommet de la pyramide... Probablement par accident d'ailleurs!
Dans la ferme du père Carson (George Nichols), on élève des moutons. Ca nécessite du personnel, bien sûr, d'autant que le père est maussade: son fils (Kenneth Thompson), qu'il a élevé tout seul, est marié, et il n'aime pas sa belle-fille. Celle-ci (Jetta Goudal), pourtant, est adorable, loyale et volontaire, et particulièrement soucieuse de réussir à se faire accepter par son beau-père. Mais la routine s'installe, et le vieux Carson n'en démord pas: il estime qu'elle ne vaut rien. Quand un ouvrier de passage (George Bancroft), un dur à cuire un peu fort en gueule, vient travailler pour lui, il voit que le nouveau venu cherche à tourner autour de la jeune femme. Plutôt que de l'empêcher, il souffle sur les braises...
C'est âpre, et pour tout dire assez austère. Le film est un huis-clos dans l'essentiel de sa durée, et si un personnage d'ouvrier un peu gauche (Clyde Cook) vient apporter un peu de comédie, le ton est grave. On sent très vite que le conflit qui se joue (contrairement à celui qui est au coeur de City Girl de Murnau, assez similaire par certains côtés) est et restera entre Nichols et Goudal. L'actrice, qui était une découverte de DeMille, est fantastique, réussissant sans jamais perdre en cohérence à osciller entre la fragilité et la douceur d'une femme sur laquelle le ciel tombe, et la force de caractère d'une personne sûre de son bon droit, et qui est confrontée à trois caractères d'hommes qui la révoltent: au premier, la méchanceté et la mauvaise foi; au deuxième, la lâcheté; au troisième, la duplicité et la luxure...
La mise en scène adopte très vite une linéarité intéressante, tout en concentrant l'essentiel du point de vue autour de Jetta Goudal. Si le premier plan nous montre Nichols sur son rocking-chair, le bruit fait par les ressorts nous permet de comprendre que le bruit indispose la jeune femme... Ce qu'il sait d'ailleurs probablement! Et une conversation à bâtons rompus entre père et fils, à table, est vécue par la jeune femme qui se noie dans leurs propos sur le bétail: pour illustrer cette conversation sans intertitres, on nous montre des surimpressions envahissantes du troupeau... Enfin, la scène-clé du film, celle qui va occasionner la confrontation finale entre les trois membres de la famille Carson (la jeune femme a été "visitée" par Bancroft durant la nuit), est absente, volontairement: à nous de nous situer, moralement, comme la jeune femme le demande à son mari qui l'accuse un peu trop rapidement...
Le western n'en est pas vraiment un, par contre les liens avec d'autres films de l'époque sont nombreux: comme Sunrise, White Gold est une épure. Comme le film de Murnau (sans pour autant être un tel sommet bien sûr), il se passe souvent de titres inutiles. Comme The Wind, de Sjöström, il est la confrontation d'une femme qui n'est pas préparée à la dureté de la vie chez les pionniers; et comme City Girl, de Murnau, White Gold est un tableau sans compromis de la vie campagnarde, qui se tient bien à l'écart des clichés du paradis pastoral...


