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31 mai 2019 5 31 /05 /mai /2019 17:03

C'est de la mer que viendra l'aventure, ou tout du moins l'intrigue de ce film: un bateau brûle au large d'un petit village côtier du Finistère, et le sauvetage s'organise. Dans une maison, les femmes sont inquiètes et nous faisons la connaissance d'Annaïck (Yvonne Mario), une jeune Bretonne qui vient de sortir en chemise de nuit de son lit clos pour s'enquérir de l'agitation qui vient de prendre tout le village... 

C'est frappant, comment Mariaud réussit, dès le début de son film, à camper de façon totalement tangible à la fois le décor, ses traditions, la vérité des corps et des métiers des uns et des autres: les vieilles pierres des maisons, dont les murs ont été usés par les embruns, le pavé rustique, les rues étroites... et les sauveteurs qui mettent le bateau à la mer pour aller secourir les victimes: on est en Bretagne, ça ne fait aucun doute.

Puis au retour des matelots, l'intrigue proprement dite va pouvoir commencer: seul rescapé du naufrage, un mystérieux jeune homme est devenu amnésique. Annaïck va se charger de lui, lui faire reprendre pied dans la vie, avec douceur et patience... Mais aussi avec des contes de fées auquel elle va l'intéresser. Mais ce sera justement l'un d'entre eux, qui révélera l'identité du jeune homme, au grand dam de la famille qui l'avait recueilli, et surtout d'Annaïck qui perdra plus qu'un ami.

Ce film superbe prouve qu'il n'y avait finalement pas que Feuillade et Perret à la Gaumont avant 1914: Mariaud, l'un des cinéastes les plus mystérieux qui soient, avait lui aussi un talent visuel distinctif, qui éclate dans la façon dont il traite le cadre dans ce beau film. A bonne distance des acteurs, mais juste de quoi leur donner le champ nécessaire pour composer une certaine vérité. Le jeu est sobre, contenu, mais suffisamment expressif pour aller droit au but...

Et Maurice Mariaud (au fait, ne serait-ce pas lui qu'on voit dans les premiers plans, sonner l'alarme après avoir repéré le bateau qui brûlait?) s'est déplacé jusqu'en Bretagne, et il n'y est pas allé pour rien: sa séquence de sauvetage, dont il se sert précisément pour camper son décor et ses personnages, est fort belle et bien vue, et la façon dont il se sert aussi de la pierre, mais aussi de l'authenticité des intérieurs sombres, de la texture boisée du lit clos, nous transportent aussi sûrement qu'un TGV! Ce qui ne l'empêche pas de montrer, à partir de sources de lumière pas forcément évidentes, de jouer avec brio sur l'éclairage, pour souligner l'angoisse de la jeune femme restée à la maison, durant le sauvetage dramatique, et pour montrer la tranquillité de la petite communauté réunie à la veillée, et éclairée depuis le modeste foyer de la cheminée.

On reparlera de ce cinéaste, d'autant que Frédéric Monnier, au terme de plusieurs années de recherches pour reconstituer le parcours du cinéaste méconnu, et explorer sa filmographie (moins d'une vingtaine de films sur 40 ont survécu), vient de lui consacrer un livre. La nouvelle est d'importance, et elle a été assez peu relayée dans les médias: un oubli à réparer, en se procurant l'ouvrage, accompagné d'un double DVD contenant une poignée de films. ...Quand je vous disais qu'on en reparlerait!

Pour se procurer cet ouvrage: http://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100222630&fa=details

 

 

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Published by François Massarelli - dans Muet 1913 Maurice Mariaud *