
Ce mélodrame Danois date d'une époque durant laquelle le pays du Nord, anciennement champion incontesté du cinéma Européen, et donc mondial, est en lutte pour garder sa première place... Mais c'est bien fini. Les Danois, qui savent qu'ils ne peuvent plus exporter comme avant vers la France, l'Italie ou l'Angleterre, en cette époque où les alliances scellent des pactes authentiquement guerriers, se tournent plus que jamais vers les genres éprouvés, en premier lieu le mélodrame!
Joe Higgins (Valdemar Psilander) est clown dans un petit cirque familial. Un noble de la ville qui vient voir le spectacle est impressionné et lui propose de venir avec lui pour faire carrière sur les scènes citadines. Il accepte, à la condition de pouvoir emporter avec lui Daisy, la femme qu'il aime, et ses parents. Des années après, Joe court de succès en succès, mais il découvre que Daisy, qu'il a épousée, le trompe avec le comte. Il la confronte, elle part, et c'est la déchéance...
Le film est hautement prévisible, et nous conte précisément la chute d'un homme. La scène qui va servir de révélateur pour Joe, pas pour le public, sera vue par lui dans un miroir, qui lui montre littéralement ce qui se passe dans son dos. Quelques scènes plus tard, Joe éméché croise dans un restaurant une troupe de gens en pleine débauche: parmi eux, Daisy et le comte sont occupés à lutiner d'autres amants. Joe fait un scandale... qui secoue violemment la jeune femme. Ainsi, Sandberg semble établir non seulement le thème classique du mélo, la ville qui corrompt, mais par ces deux scènes il insiste sur cette déchéance comme un drame intérieur, inhérent à Joe lui-même. Et quand il croise Daisy, tous les deux sont dans un très mauvais état...
La dernière bobine, située après la mort de Daisy, le premier "climax" du drame (il y en a un deuxième, mais je ne vous le révélerai pas), est fascinante par une utilisation assez rare du flash-back, quelques années avant la structure chronologique déroutante de La charrette fantôme... Joe se remémore les bons moments entre deux gorgées de mauvais vin, et on voit non seulement les scènes que nous avons déjà vues, mais aussi d'autres, qui prolongent le drame, et la vie qui est sous nos yeux. Valdemar Psilander, qui EST le spectacle à lui tout seul, est évidemment impérial dans ce film et lui assurera un succès non négligeable... D'autant plus qu'il est décédé quelques semaines avant la sortie! mais le film avait ses mérites propres, avec ou sans sa vedette: ce qui allait Sandberg, neuf années plus tard, de retourner à la conquête de l'Europe avec un remake en tous points sublime...
Copie du film (sans sous-titres) disponible sur le site du Danske Film Institut:
https://www.stumfilm.dk/en/stumfilm/streaming/film/klovnen-0
