
Ce film, adapté d'un roman largement autobiographique à gros succès de Mary Jane Ward, était le projet personnel de Litvak, déterminé à le mettre en route, mais qui avait du essuyer un refus catégorique de tous les studios et producteurs auxquels il s'était adressé... Sauf Zanuck. Il est vrai que sous l'impulsion de ce dernier, la Fox était un peu devenu LE studio des gros projets: Gentleman's agreement, qui venait d'obtenir l'oscar du meilleur film, traitait de l'antisémitisme ordinaire, par exemple... Mais le sujet promettait des difficultés phénoménales pour devenir attractif pour le public.
Et pourtant...
Certes, il y a eu de profondes modifications entre le livre et le film, l'une d'entre elle, et non la moindre, consistait à résoudre la question de la source du trouble du personnage principal, et en la présentant comme une énigme. Bon, je ne vous le cacherai pas plus avant: elle n'a pas le plus grand intérêt, si ce n'est de nous offrir une perspective d'avenir intéressante pour un personnage qu'on ne peut pas ne pas aimer... Pour le reste c'est juste une convention cinématographique, et l'intérêt est ailleurs. Et ça, Olivia de Haviland l'avait bien compris...
Elle interprète donc Virginia Cunningham, une jeune mariée à problèmes, qui est internée suite à une dépression monumentale, et un comportement particulièrement erratique. Virginia sera notre sésame pour "visiter" une institution mentale... La jeune femme va expérimenter la confusion, les traitements violents, la douceur, le dépit, la jalousie des un(e)s, l'amitié et la pitié des autres... Et se méfier de toutes, tous, et de tout... Y compris de son mari.
Le film commence d'ailleurs par une scène de confusion mentale impressionnante, dans la mesure où la grande actrice la joue en nous faisant passer d'une impression à l'autre, mais en gardant une grande cohérence. La chronologie bouleversée du film est l'une des meilleures idées de Litvak, tout comme son choix de privilégier aussi souvent que possible le point de vue de Virginia. Le film est dur dans sa peinture des relations difficiles non seulement entre les pensionnaires elles-mêmes, mais aussi entre les personnes malades et leurs soignants. Le système y est vu avec ses qualités et ses défauts, et il faut parfois avoir le coeur bien accroché, même si compte tenu de la date de confection du film, il y a de nombreux aspects qui étaient fatalement proscrits. Mais ils sont là pourtant, en filigrane. On les trouvera assez facilement...
Quoi qu'il en soit, c'est un superbe film, et une performance hors du commun par une des plus grandes actrices de l'âge d'or d'Hollywood, au sommet de son art...

