
Je pense que pour commencer il conviendrait pour situer aussi clairement que possible, par dire ce que n'est pas ce film: car l'histoire de Doug, le crack de la construction qui menace de faire un burn-out à cause du stress de son travail et qui ne sait pas comment reprendre un peu de responsabilité quotidienne sur sa petite famille au moment où son épouse adorable désire clairement reprendre le chemin du travail, n'est pour commencer ni féministe, ni anti-féministe. Ce n'est pas un pamphlet, quel qu'il soit.
Et quand la solution lui arrive toute cuite, sur un plateau, par hasard, et qu'il rencontre "les" scientifiques qui sont occupés à tester le clonage humain, le film aurait pu être une parabole sur la science et ses, soit méfaits, soit bienfaits... Il n'en est rien, même si c'est, objectivement, assez drôle. Non, Doug tombe sur une solution pratique: s'il se clone, il pense qu'il dédouble son temps de vie, et donc il peut littéralement se diviser...
Oui, on l'aura aussi compris avec ce qui précède, ce n'est pas non plus un film scientifiquement rigoureux, mais alors... pas du tout! Doug se fait cloner, et le processus dure littéralement deux heures. je pense que si vous voulez obtenir un clone d'un être A, à un âge B, il faut compter le temps de gestation de l'espèce, plus l'âge du sujet avant de pouvoir obtenir satisfaction... Pas ici: deux heures, et dong!, la sonnerie du micro-onde en fait foi, le clone est prêt.
Enfin, on aurait pu avoir justement une réflexion douce-amère sur le burn-out, mais... Ramis avait d'autres plans. Le metteur en scène de Groundhog days, qui avait récolté le jackpot avec une comédie à l'originalité évidente, n'a pas vraiment souhaité ici sortir de l'anecdotique, et s'est finalement contenté de profiter des effets comiques du clonage, à plus forte raison quand un homme se retrouve cloné trois fois. Ah, pardon, deux fois, le troisième clone étant le résultat d'une copie de l'un des clones, justement... Donc chaque clone a son caractère: Doug 2 est très masculin, Doug 3 ne l'est pas, et Doug 4 est à peine humain... On pourrait râler devant la caricature de Doug 3, et plus encore devant celle de Doug 4, mais ce serait inutile: non, ce qui compte ici c'est la comédie, et le numéro d'acteur. Ou d'acteurs: Doug est interprété par Michael Keaton, qui donne la réplique à Andie McDowell, Michael Keaton, Michael Keaton, et Michael Keaton.
Donc beaucoup plus qu'une réflexion intéressante sur le sens de la masculinité (ce qui est le propos de Ramis dans ses interventions d'époque) Multiplicity est un festival pour l'acteur, qui aura rarement une telle aubaine (à part peut-être pour Beetlejuice), et se fait plaisir. Donc clairement, si Harold Ramis avec ce film rate une occasion, ou deux, ce n'est pas trop grave: derrière cette histoire hautement improbable par définition de brave type qui se fait cloner à l'insu de sa femme, qu'il doit ensuite protéger des risques de coucher avec d'autres versions de lui-même, avec des quiproquos plus gros que Air Force One, on rigole. Mais vraiment.