
Deux hommes sortent d'un motel pour prendre la route, l'un d'entre eux va payer, dit-il, pendant que l'autre attend au volant. Le temps passe, et il s'impatiente: puis l'autre revient. celui qui attendait va à son tour dans le bureau pour chercher de l'eau (jusqu'à présent le film se résumait à un plan-séquence) et quand il y arrive, il y a deux cadavres. Une petite fille apeurée arrivé: il la tue.
Comme ça, si le titre ne nous suffisait pas, nous sommes doublement prévenus... Et ça tombe bien, parce que la demi-heure qui suit est entièrement consacrée à autre chose, une petite histoire Américaine comme il y en a des centaines: dans une petite bourgade du Midwest, un couple avec deux enfants mène une vie tranquille... Tom Stall (Viggo Mortensen) et sa femme Edie (Maria Bello) ont une petite affaire tranquille, un snack qui ne désemplit pas; Jack, le grand fils, se rend au lycée où il se maintient à flot en essayant de ne pas céder à la violence ambiante, et la petite Sarah est encore trop petite pour avoir des soucis. Chacun mène sa petite vie, jusqu'au jour où les deux hommes font irruption dans le snack-bar, et menacent Tom. Dans la confusion, il se saisit d'une arme et abat les deux malfrats, sauvant ses clients... Il est un héros, il passe à la télévision... Et c'est le début des ennuis: trois mafieux débarquent quelques jours plus tard, et proclament que Tom est en réalité Joey, un tueur redoutable disparu une vingtaine d'années plus tard, et que son frère, un patron du crime organisé à Philadelphie, souhaite le voir...

Peut-on, aux Etats-Unis, échapper à la violence? C'est la question posée par le film, qui établit de deux façons qu'elle est de toute façon partout (au lycée, d'une part, où Jack se fait vraiment harceler par un minable local, le genre qui est persuadé que le sport c'est la vie et la vie le sport, bref un con, mais aussi dans la vie des adultes où n'importe quoi peut arriver) et pire, qu'elle est parfois nécessaire (quand Jack, à bout, se défend et distribue les bourre-pifs, ça fait du bien, et Tom doit tuer de sang-froid pour protéger sa clientèle, mais aussi son anonymat)... Sauf qu'elle débarque sans prévenir dans la vie de gens qui ne lavaient pas convoquée. Pour Edie, la découverte que son mari est un ancien criminel est une crise majeure, la réalisation qu'elle a vécu dans l'ombre du mensonge d'un homme qu'elle aime, mais dont elle ne connaît pas l'identité profonde. Pourtant Cronenberg avait commencé pas nous montrer les deux vieux mariés en jeunes tourtereaux, qui s'amusent à rejouer une scène d'adolescence où Edie se déguise en cheerleader pour exciter son mari...
Le film est âpre, souvent ironique, mais c'est surtout, de par sa structure même, la mise en scène frontale et rigoureuse, et sa lenteur calculée, un vrai western, dans lequel l'ombre de classiques (Shane en tour premier lieu) passe... Un film dur aussi, où le pessimisme du réalisateur face au devenir d'une humanité qui est assez prompte à tuer, mais aussi à glorifier celui qui tue (ou même simplement celui qui s'assume par la violence, tel Jack). La violence non seulement préside à la vie des adultes, ais elle fait partie de l'héritage naturel laissé aux enfants, comme le prouve le destin de Jack (le personnage qui est choisi pour faire passer une transition majeure à la fin du premier acte, et ce n'est pas un hasard). C'est un très grand film...
