
Existe-t-il quelque part un film plus influent que celui-ci? ...car quand on pense à la façon dont ce premier long métrage Disney a laissé une marque sur le cinéma, on est face à du vertigineux! Comme on dit, il y a un avant et un après...
Avant, c'est un fonctionnement du système cinématographique dans lequel l'animation est reléguée, cantonnée dans les compléments de programme, et laissée à l'écart des longs métrages; à de très rares exceptions près: certes, en Allemagne (Lotte Reiniger et ses ombres chinoises) et en France (Ladislas Starewicz et ses poupées manipulées en stop-motion) il y a eu des longs métrages mais leur succès et leur portée n'a rien de comparable. Dans le cinéma Américain, il y a eu essentiellement les tentatives de Willis O'Brien (The lost World, King Kong...); pour le reste...
Mais Snow White inaugure une sorte de domination par l'évidence de Disney et ses équipes sur le cinéma familial mondial, qui finira par passer par des oeuvres aujourd'hui mythiques. Et pour couronner le tout, certains sont magnifiques!
Maintenant il est de coutume de dire "oh oui, mais Blanche-Neige a bien vieilli quand même": c'est indéniablement un film de 1937... Dans lequel l'intrigue est une épure, simplifiée à l'extrême: la reine maléfique est jalouse, Blanche Neige échappe à la mort, se réfugie chez les nains, la reine comprend la situation, intervient de nouveau, les nains arrivent trop tard, mais le Prince qui passait par là fait son travail, fin! Des balises qui de plus sont truffées de chansons, mon impression est que le film est pour moitié occupé par ces interludes musicaux, dont je vous avouerai qu'on peut très bien couper le son: même s'ils font partie intégrante du film...
Non, c'est l'animation qui m'enthousiasme: même si j'avoue une certaine irritation devant ce qui était déjà une tradition fermement établie chez Disney, à savoir cette assimilation systématique du monde animal et des petits animaux de la forêt aux héroïnes pures, la façon dont durant trois ans les studios Disney ont tout sacrifié au long métrage qu'ils préparaient, et chaque court métrage (notamment le fameux The old mill) devenait un chantier expérimental pour telle ou telle technique, et l'implication de chaque responsable de l'animation dans chaque séquence, tout porte ses fruits, et le résultat est toujours aussi exceptionnel tant d'années après. Ce film porte en germe tout ce que Disney fera, et plus encore, car il date d'une époque où l'économie (réutilisation systématique de cellos, répétition de gestes, etc) n'était pas encore la règle. Bref, l'animation coûtait cher, c'était un luxe même. Mais quel résultat!
Et quelles frayeurs aussi, car je pense que ce qui mettra toujours les productions Disney au sommet, c'est ce monde intérieur effrayant qui y est étalé de façon presque indécente, dans lequel de pures jeunes filles sont soumises aux pires cauchemars dans de sombres forêts. Ici, c'est le prototype...
Pour finir, n'ayant que peu de place pour mentionner dans le bandeau-titre les nombreux metteurs en scènes officiels (car pas vraiment crédités de façon très claire au générique), j'ai décidé d'y placer le nom du superviseur David Hand. Car pour tous les documents d'époque qui nous montrent un certain Walt venant sur le plateau pour y visiter ses employés, il convient quand même de rappeler que chez Disney, s'il y a un homme qui n'était absolument pas impliqué dans la partie artistique, autrement que pour la supervision des travaux déjà finis, c'était Walt. Et ce n'est pas parce que le bonhomme a déplu à Disney au point d'être écarté de l'histoire du studio, qu'il faut oublier l'importance de David Hand, qui lui a passé beaucoup de temps sur le plateau... Il a été réintégré au générique, incidemment, dans la version actuellement disponible en Blu-ray...


