
C'est un petit film, ramassé sur les deux tiers d'une bobine, mais ses qualités sont évidentes, et jouent sur deux tableaux: d'un côté, un don incroyable pour installer en très peu de moyens, toute une atmosphère, et de l'autre un talent de conteur qui se paie le luxe de mobiliser cinq personnages, et de créer un suspense dense en jouant constamment sur le point de vue...
C'est le soir, un cafetier va fermer, et il ne prête pas attention aux deux hommes qui viennent d'arriver pour boire chez lui: ils sont au premier plan, et pendant qu'il s'affaire à mettre son café en ordre, et monte et descend à la cave, les deux malfaiteurs eux n'en manquent pas une miette et échafaudent un plan. Puis ils quittent apparemment les lieux, quand deux gendarmes habitués des lieux arrivent: ils prennent un dernier verre puis s'en vont. Quand ils sont partis et que le cafetier ferme boutique, les deux hommes reviennent, l'assomment et vont à la cave pour le mettre à l'abri avant de tout dévaliser... Mais les gendarmes reviennent, et s'installent pour manger!
Le café est le lieu unique, dont nous verrons trois décors: la salle principale, la chambre du patron, brièvement, et surtout la cave, le lieu où le suspense est à son comble: d'abord parce que c'est l'endroit, sombre et à l'écart, où le cafetier, nous le savons, risque la mort; et ensuite parce que paradoxalement, le premier point de vue qui ait été développé étant le leur, nous sommes amenés à partager l'anxiété des malfaiteurs quand ceux-ci se rendent compte que des gendarmes viennent d''arriver dans le café, et plus encore quand l'un d'entre eux se rend dans la cave...
La morale reprend ses droits quand le cafetier se réveille, seul dans la cave et que des inserts de l'activité des bandits dans son café, nous renseignent sur le fait que le point de vue a changé: nous sommes désormais aux côtés du patron, et la morale sera sauve à la fin de ces dix minutes...