
L'angoisse de la page blanche est-il un sujet approprié pour une oeuvre narrative? C'est une superbe mise en abyme en perspective, quand on y pense, qui peut bien sûr tourner à vide. C'est un peu le risque que prend Dupontel en faisant de son deuxième film une méditation burlesque, et incendiaire, sur la terreur de la deuxième oeuvre!
Darius (Dupontel), auteur dramatique, vient juste de triompher avec sa première pièce Détresse intime, quand il doit s'arrêter, et prendre le large pour six mois: désespérément alcoolique; complètement à côté de la plaque, il se met au vert, et revient six mois plus tard, guéri à Paris. Il a juste oublié son engagement auprès de Pierre, le directeur du théâtre (Nicolas Marié), de lui livrer une autre pièce. A son retour, il a deux jours, et pas la moindre idée. Surtout qu'il faut bien avouer qu'il n'a déjà aucun souvenir d'avoir écrit la première, qui s'était semble-t-il écrite toute seule dans une sorte de stupeur alcoolique... Sous la surveillance affectueuse de Victor (Philippe Urchan), son voisin un peu trop collant et attentionné, et sous la pression méfiante exercée par sa vedette Chloé Duval (Claude Perron), Darius tente de se mettre au travail...
L'auteur a chargé la barque, et les vingt-cinq premières minutes du film, paradoxalement, sont les plus difficiles à passer... C'est qu'on n'en sait sans doute pas suffisamment sur Darius pour vraiment s'investir dans ce qui ressemble au départ à une fable kafkaïenne. Une fois les tentatives délirantes amenées (Chloé en vient à penser que Darius trouve l'inspiration dans le fait de tuer les chats, alors il s'exécute), la comédie noire et provocante prend fermement le dessus. Le résultat final, réflexion artistique au vitriol mêlée d'un commentaire narquois sur le rapport entre créateur et public, et tant qu'à faire le créateur et Dieu, est sinon emballant, au moins distrayant.
Et puis non seulement dans son film il tue les chats (ce qui est mal dans la réalité, cela va sans dire) mais en prime il se lance dans un chapitre anti-Bretons inattendu, et qu'il faut bien sûr prendre au second degré. Ce qui occasionne une phrase qui en contexte fait du bruit: "Kenavo, les bouseux!"
Dupontel, par ailleurs, y affirme sa dette envers des créateurs qui l'ont inspiré, et qui tranchent clairement sur l'ordinaire du cinéma Français: en réalisant un film qui visuellement (entre rêve-cauchemar et réalité, entre raison et folie) se situe dans la lignée du style de Terry Gilliam, il en profite pour ajouter à son équipe de choc (les comédiens Claude Perron, Michel Vuillermoz, Dominique Bettenfeld, Philippe Urchan et Nicolas Marié sont très souvent là) la présence de Terry Jones dans le rôle de Dieu.
C'est bien normal.
