
La Warner avait frappé un grand coup en 1935 avec la sortie de son Midsummer night's dream, co-réalisé par max Reinhardt et William Dieterle, il était inévitable que le prestige que le studio de Burbank avait retiré de l'opération, sans parler du succès du film, a donné des idées à plus d'un studio. La MGM, supposée être à la pointe des productions de prestige, ne pouvait que tenter le défi...
Peut-on faire du cinéma avec Romeo and Juliet, pièce cruciale de Shakespeare, et le faire bien? On a évidemment peur du théâtre filmé, à juste titre, et le drame de Vérone ne pouvait que difficilement pousser un studio de 1936 à être créatif. D'où un certain nombre de parti-pris: d'une part, le film est clairement situé à Vérone, dont u certain nombre de truquages vont reproduire l'espace, à défaut de pouvoir y tourner. L'époque choisie est celle de la pièce... Deux, le texte a été amputé du cinquième environ, mais avec soin. Ont été enlevé des moments de calme entre les actes, de comique pas justifié, et les adresses au public. Trois, le montage est exceptionnel, fouillant dans les visages, et en ce qui concerne l'héroïne, magnifiant le jeu de Norma Shearer...
Car Cukor aime s'entourer, et a choisi son camp. Entre le jeune gaillard déluré qui tombe amoureux d'une étoile filante, et la jeune vierge qui se prend la passion en pleine figure à ses premières amours, il n'a pas hésité une seconde, et c'est devenu Juliet and Romeo... La prestation de Norma Shearer, forcément, est exceptionnelle, et on oublie assez vite, seule concession au théâtre, qu'elle a dépassé depuis longtemps l'âge du rôle. Elle est secondée à merveille: Leslie Howard est excellent en Romeo, et John Barrymore, C. Aubrey Smith, Basil Rathbone ou encore Edna May Oliver ne pouvaient pas se tromper. Tous prennent un plaisir immense à dire le texte sacré, et Cukor garde le naturel de chacun en surveillance. Y compris Barrymore, qui de toute façon joue un fieffé gredin, coureur et buveur: naturel, vous dis-je.
C'est un modèle de théâtre adapté avec intelligence, et ça inaugure une phase brillante de la carrière de Cukor, au plus près, désormais, de ses actrices et de ses héroïnes, qu'elles soient Katharine Hepburn, Judy Garland, Greta Garbo, ou... Norma Shearer.