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30 octobre 2019 3 30 /10 /octobre /2019 09:14

Et donc, Coppola et l'auteur du roman The Godfather, Mario Puzo, se sont lancés des années après, dans la confection d'un troisième film... Qu'ils envisageaient d'appeler The death of Michael Corleone. Comme on s'en doute, le titre final est une imposition du studio, qui savait que le film se vendrait sans aucun problème en se rattachant à la saga initiale. D'ailleurs, il y a fort à parier que le film soit plus sanglant dans ses coulisses et l'histoire de son tournage, que dans l'intrigue même, et ce n'est pas rien!

C'est que Coppola, en 1990, est l'homme de plus d'échecs que de succès. One from the heart et Cotton Club l'ont rincé, et les quelques films qui ont marché ne l'ont pas suffisamment remis sur pied. Et surtout, la Paramount est très attachée aux deux films de 1972 et 1974, ne l'oublions pas... Sans parler du fait que ce retour à la saga était probablement d'abord motivée par des raisons, disons, financières... 

Tout ceci étant dit, le film est loin d'être une catastrophe, et possède ses grands moments. Et surtout, la critique la plus souvent émise à son propos est à mon sens injustifiée, sans parler du fait qu'elle est scandaleuse: j'y reviendrai plus loin...

Imitant la structure des deux premiers films, ce troisième volet part d'une célébration (un mariage en 1972, une communion en 1974, maintenant c'est une distinction religieuse qui échoit à Michael Corleone), avant de s'intéresser au business des Corleone, tout en nous montrant les rapports, affiliations et autres affections des uns et des autres... Et la motivation pour Michael Corleone est triple: faire avancer les affaires de la famille Corleone, la faire évoluer vers la légitimité, et se retirer afin de profiter de la vie et de sa famille...

Et c'est l'un des points forts du film: on a rarement vu Al Pacino aussi enjoué que dans les premières scènes, ou que dans l'espièglerie qu'il manifeste à l'égard de son ex-femme dans des scènes Siciliennes, qui sont presque de la comédie romantique, mais mâtinée d'une solide dose de nostalgie. Comme les précédents films, Coppola a tout fait pour marquer ce troisième volet de l'empreinte Sicilienne, au point d'y adopter une fois de plus une mise en scène "à l'Italienne"... 

On trouve dans le film les mêmes qualités que dans les précédents, en somme, ce mélange permanent entre crime, gangsters, coups d'éclat, et vie quotidienne, sous une forme présentable (on se rend rarement dans la chambre à coucher dans ces trois films, vous avez remarqué?): un soap opera, ou un opéra de la violence? Justement, Coppol souligne cet aspect de ses trois films, en ayant recours dramatiquement à une représentation de La Cavalleria Rusticana, qui va d'ailleurs souligner de nombreux aspects du film, et servir de soutient à l'habituel feu d'artifice de violence et de mort qui clôt l'intrigue des trois films...

Et c'est là que ça ne marche plus: si j'accepte volontiers de considérer la montée en puissance de Connie (Talia Shire) et Vincent Mancini (Andy Garcia) qui illustre le fait que, quelles que soient les envies de légitimité de Michael Corleone, il sera forcé de laisser la famille rester ce qu'elle est, si j'accueille même avec enthousiasme la présence de Mary Corleone dans le film, je pense que cette fois, à trop charger la barque (financièrement, stratégiquement, politiquement et religieusement), Coppola a raté son arrière-plan historique. Basé cette fois sur le flou qui entoure la mort de Jean Paul Ier, pape d'un mois, le rappel des affaires tourne à l'accident industriel, et ça se voit trop pour qu'on ne puisse s'en préoccuper... 

Venons-en à Mary: parce que Winona Ryder n'avait pas pu prendre le rôle, la fille de Corleone a été confiée à Sofia Coppola, qui a été obligée d'abandonner ses études, pour faire plaisir à son père. A la sortie du film, on s'est déchaîné sur elle, d'une façon proprement odieuse, que Coppola n'a toujours pas digéré... Et Sofia non plus, sans doute. C'est à se demander ce qu'on lui reprochait, dans la mesure où elle joue un rôle proche d'elle, et qu'elle le fait avec fragilité et émotion, sans jamais forcer, avec un mélange de timidité et d'effronterie. Elle est plus que touchante, je la trouve totalement authentique. Elle donne à Al Pacino la force de pousser son rôle de père, mais aussi la douleur de la perte au-delà du raisonnable, sans que ce soit jamais excessif (on connait la tendance de Pacino à en faire trop pourtant). Bref, elle sauve un aspect du film qui est essentiel, à savoir le lien le plus fort de Michael Corleone à son humanité...

Et du même coup elle sous-tend le film dans ce qu'il a de plus important: une méditation mi-ironique, mi-tragique, sur la fin d'un homme à l'heure où il avait cru enfin commencer à vivre. Rien que ça, ça justifie quand même un film qui donne par ailleurs le sentiment gênant d'être de trop.

 

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Published by François Massarelli - dans Francis Coppola