
Un film muet Américain d'une durée proche de deux heures, situé pour une large part à Monte-Carlo et qui fustige la corruption morale à l'heure du conflit mondial en représentant un prince Russe exilé qui se sert des femmes pour son plaisir... Ca rappelle forcément quelque chose, sauf que ce n'est en aucun cas Foolish wives! D'ailleurs, contrairement au film de Stroheim, cette production extravagante de William Randolph Hearst a été tournée dans le Sud de la France, d'où l'utilisation de plans splendides des rochers de Monaco et de l'arrière-pays Niçois...
En Russie, avant la première guerre mondiale, le prince Michael Lubimoff (Lionel Barrymore) croit en une supériorité de l'homme sur le femme, et organise des fêtes crapuleuses où il invite ses amis à plonger dans l'égoïsme et la luxure, suivi en particulier par son amie Alicia de Lille (Alma Rubens) qui l'aime en secret. Mais Lubimoff se bat en duel et doit fuir son pays. Avec Alicia, il se réfugie à Mont-Carlo, mais il fait une crise de jalousie à Alicia quand il la surprend au bras d'un très jeune homme (William Collier): ce qu'il ne sait pas c'est que ce n'est pas l'amant, mais le fils secret de son amie...
Lubimoff, avec ses amis Spadoni (Gareth Hughes) et Italio Castro (Pedro de Cordoba), se réfugie dans une villa où ils décident de vivre, désormais, à l'ébri des femmes... mais la guerre et la nécessité de s'engager vont bientôt rattraper ses deux compagnons... Ainsi que Gaston, le fils d'Alicia.
Plus baroque que ce film adapté de Vicente Blasco Ibanez, semble impossible, à moins bien sûr de se précipiter (mais pourquoi???) vers le fameux Salome de Alla Nazimova! Crosland, qui devrait quand même savoir que le code de production dans sa première version a été édicté par Will Hays, mais semble flirter avec la transgression dans sa peinture de la corruption du monde de Lubimoff, attablé face à des dizaines de femmes aux habits suggestifs qui semblent ne danser que pour lui... Mais justement, cet excès, qu'on retrouvera en mode plus ironique dans Don Juan et When a man loves, est justement ce qui fait le sel de ce film, avec le plaisir de retrouver un Lionel Barrymore 'jeune' (il avait quarante-quatre ans, mais en paraît facilement dix de plus, déjà), et l'intrigante mais excellente Alma Rubens. Ils électrisent le film, dont le luxe de détails est insolent, et je le disais plus haut, le cadre splendide. Alors qu'importe que ce ne soit pas très raisonnable?
Comme si souvent la corruption y est de toute façon érigée en contre-exemple, et la guerre va devenir l'exutoire de cet égoïsme militant, offrant aux uns et aux autres la possibilité salutaire d'un sacrifice personnel. Une dialectique qui tranche un peu sur les habitudes des films de 1919-1921 qui eux utilisaient la guerre certes pour glorifier l'héroïsme individuel, mais aussi pour diaboliser les Allemands! Le conflit ici est interne, et puis... la Révolution d'Octobre est passé par là, fournissant au cinéma Américain un nouveau type d'ennemi prêt à l'emploi. Crosland se saisit de cette possibilité lors d'un déplacement de Lubimoff en Russie, où il est confronté aux Bolcheviks, et doit même lutter en corps à corps contre le massif Ivan Linow. Trois ans plus tard, ce sera au tour de Don Juan -John Barrymore contre Montagu Love!
Le film hélas est incomplet, préservé dans une copie privée de deux bobines, et dont une partie des intertitres a disparu aussi. Il fait l'objet d'une restauration à l'heure actuelle, et la localisation des parties manquantes est en cours... Croisons les doigts pour qu'on puisse retrouver ces pièces manquantes d'un puzzle des plus extravagants...




