
Liliom (Charles Boyer), bonimenteur de foire, aime Julie (Madeleine Ozeray) , et Julie aime Liliom... Mais c'est une histoire triste: le balourd apprend que sa belle attend un enfant, et se prenant les pieds dans le tapis, décide de "travailler" à sa façon: c'est-à-dire de participer à une action malhonnête, qui lui fera perdre la vie. Mais son cas n'est pas fini: il doit, en effet, rendre des comptes dans l'au-delà...
Curieux cas que Liliom, adapté d'une pièce de Ferenc Molnar qui semble hanter le cinéma avec insistance dans les années 20, à commencer par un type de personnage inspiré du rôle-titre et qui apparaît par exemple dans The show de Tod Browning: aboyeur de foire au grand coeur qui se cache derrière un cynisme en carton, John Gilbert y arbore d'ailleurs le déguisement de Liliom! Puis c'est Charles Farrell qui va interpréter le rôle à la Fox pour Frank Borzage dans l'un de ses premiers films parlants (1930)... Pourquoi, alors que le système des versions multiples est déjà en place, faut-il attendre 1934 pour une version française (due à Erich Pommer sous la responsabilité de Fox Europa), je l'ignore, mais ce qui est sûr c'est que le fait que ce soit un film de Fritz Lang est un étrange hasard... Pommer avait deux films à faire tourner, un par Ophüls, et un par Lang, et il a semble-t-il décidé d'inverser la logique, confiant le film policier à Ophüls! Quoi qu'il en soit, Lang qui sortait d'une expérience cuisante (le tournage puis l'interdiction par les nazis de son Testament du Dr Mabuse) s'est jeté dans le projet qui reste son unique film Français...
Et le résultat est aussi Langien que curieux! Le film, de Hongrie, est transposé dans un pays différent, et perd à mon sens en substance en perdant cette impression diffuse de dictature pesante. Pour preuve, une scène qui nous montre de braves policiers qui font respecter un très hypothétique couvre-feu, et qui ne sont guère menaçants. le personnage de Liliom, privé de ce carcan symbolique, manque singulièrement de qualités. Mais ce qui semble avoir intéressé le plus le metteur en scène, c'est sans surprise le rendez-vous onirique d'un homme avec sa destinée, dans un conte de fées noir... Le "procès" de Liliom au purgatoire, quand on lui présente le film de sa vie, littéralement, ou encore la vision à la fois grotesque et sombre des petites mains du paradis, qui renvoient à un cinéma de l'entre-deux bricolo comme Der müde Tod était à la fois du merveilleux et du tragique... C'est un film à part, qui l'a passionné... le temps de le finir. Après, eh bien: il fallait partir aux Etats-Unis, et il a oublié Liliom; nous aussi...


