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21 décembre 2019 6 21 /12 /décembre /2019 16:22

Pris par l'enthousiasme et porté par le succès indéniable du Cuirassé Potemkine, Eisenstein, assisté des fidèles Alexandrov et Tissé, livre son film commémoratif sur la Révolution à un comité piloté par le Parti qui sera bien embarrassé devant l'inconfort que leur procure l'objet... 

Et de fait, comment accueillir la chose en 2019, soit 102 ans après les faits et 92 après le tournage de l'oeuvre? Faut-il s'enthousiasmer comme un seul homme, adhérer à la Cinémathèque de Toulouse et faire séance tenante son autocritique, ou tout bonnement considérer que ce n'est, aussi flamboyante soit-elle, qu'une oeuvre de propagande de plus? J'ai déjà dit dans ces pages à quel point je m'ennuyais devant le supposé génie du Cuirassé Potemkine, tout en lui reconnaissant des moments d'une grande beauté. Avec Octobre, c'est une autre paire de manches...

D'autant que le metteur en scène galvanisé, et désormais rompu à en faire trop, tombe en pire dans le même piège que sur son film précédent: il en fait trop. D'un film qui devait rendre compte des événements de toute la révolution, Eisenstein passe donc à une oeuvre qui se contente de conter par le menu l'évolution du soulèvement populaire à Petrograd entre février (installation du gouvernement provisoire de ce qu'on appellera la"Révolution Bourgeoise", tout un programme) à la prise du palais d'hiver en octobre.

Entre les deux, du grain à moudre pour nos propagandistes de choc: les décisions contre-révolutionnaires du ministre de la Guerre Kerenski, puis la répression des velléités Bolcheviks (la plus belle scène du film, organisée comme la séquence de l'escalier d'Odessa autour de motifs visuels forts, notamment la présence d'un cheval mort sur un pont), l'organisation de la riposte ouvrière et paysanne depuis la clandestinité, et enfin l'insurrection armée.

Eisenstein affiche sans arrière-pensée une volonté ferme de condamner toute tentative d'angélisme: un Communiste qui explique à l'armée ralliée qu'il faudra agir sans violence se voit railler par voie de montage (des mains anonymes tricotent de la harpe) et de fait, la prise du Palais d'Hiver est en effet un coup de poing...

Mais le film souffre du début à la fin d'un trop plein d'enthousiasme, et d'un refus d'identifier qui que ce soit: un refus de l'individualité qui vire à la propagande énervante. Le point de vue est difficile à manipuler pour le spectateur, et le manichéisme forcené, plus l'absence de distance achèvent de faire de ce film pourtant pré-stalinien...

...une purge.

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Published by François Massarelli - dans Eisenstein 1927 Muet *