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18 janvier 2020 6 18 /01 /janvier /2020 16:47

Vie, puis trépas, de Carrie White (Sissy Spacek), la fille la plus mal aimée de son école dans une petite ville Américaine qui pourrait être n'importe où, mais qui pourrait bien être située dans le Maine. Le film commence par nous la montrer en proie aux mauvaises humeurs de ses camarades, qui la détestent parce qu'elle leur fait perdre des points en sport. Puis, une séquence générique extrêmement célèbre la voit dans les douches à côté des vestiaires, découvrir à son corps défendant le phénomène de la menstruation: une fois de plus, Carrie n'a pas su réagir et une fois de plus elle subit les vexations. La prof de sport met les filles du groupe en demeure de changer d'attitude face à la jeune femme.

Deux filles vont relever le défi, chacune à sa façon: Sue (Amy Irving) va mettre Carrie dans les ras de son petit ami et pousser celui-ci à inviter Carrie au bal de promo. Chris (Nancy Allen) de son côté, va s'arranger pour "préparer" la salle de bal à l'arrivée de Carrie, et lui élaborer une farce monumentale. Mais pour se rendre au bal de promo, il faudra à Carrie persuader sa maman, la fondamentaliste religieuse Margaret White (Piper Laurie), qui voit le mal et le péché partout. Peut-être que la peur des singuliers talents de télékinésie de sa fille pourront la persuader...

Le talent de Brian De Palma est singulier lui aussi: on se souvient de Phantom of the paradise, dans lequel il revisitait le mythe de Faust à la sauce du rock glam... Il avait à cette époque une folle envie de tourner le drame en comédie, et de donner à la comédie un accent dramatique. Avec ce roman de Stephen King, le premier qu'il ait publié, il avait sans doute une occasion en or de marquer son temps, il ne l'a pas gâchée... Stephen King n 'a pas son pareil pour jongler avec les points de vue, et peindre un portrait tourmenté de l'Amérique supposée tranquille, dans son quotidien, qui vire au cauchemar. Et De Palma transforme cette histoire en une lente montée vers une horreur salvatrice, faite d'un chaos absolu, voulu par une jeune fille qui n'en peut plus d'être la risée du monde entier...

La mise en scène est précise, avance sur une progression linéaire très classique. De Palma ne nous cache pas grand chose des préparatifs de la sale blague qui sera jouée à Carrie lors du bal; il laisse juste planer le doute (et encore) sur le fait que Sue et son petit ami Tommy sont ou ne sont pas au courant du fait qu'elle sera humiliée devant toute l'école, couverte en public au plus beau moment de sa vie de sang de porc... Mais il rompt le classicisme de deux façons, d'une part en utilisant le ralenti pour sublimer certains moments, ou en délayer l'effet (un truc qui fera date et qui mène en droite ligne à Scorsese, Wes Anderson et Sofia Coppola), voire pour aller plus loin encore: la scène des vestiaires avec toute la nudité de ses lycéennes, devrait ressembler à de l'exploitation pour un film érotique, alors qu'elle montre le lycée comme un lieu où cohabitent sensualité, sexualité d'un côté, et l'innocence de l'enfance dans ses derniers moments, d'autre part.

Et De Palma utilise aussi le split-screen pour accentuer encore le chaos provoqué par les dons terrifiants de Carrie. le bal se termine par un enchaînement de plans très maîtrisés, mais disjoints, qui se font un reflet de l'étonnant esprit troublé de son héroïne. Car s'il est un point sur lequel l'ironie de De Palma et la cruauté de King se rapprochent, c'est dans le fait qu'ils ont tous deux résolu de montrer ce qui peut arriver à une personne différente, quand elle est au confluent des méchancetés des uns (ses pairs, les lycéennes, et les gens "normaux"), de la bêtise et de l'incurie des autres (sa maman, une incorrigible folle de Dieu qui l'insulte et la bat parce qu'elle a ses règles, et donc parce qu'elle est une femme). Le roman était la première preuve tangible du talent exceptionnel de King, et le film, une symphonie démoniaque en rouge sang, n'est pas en reste. 

 

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Published by François Massarelli - dans Stephen King Boo!!