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  • : Quelques articles et réflexions sur le cinéma, et sur d'autres choses lorsque le temps et l'envie le permettront...
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21 mars 2020 6 21 /03 /mars /2020 15:57

1856, en Oregon, les chercheurs d'or commencent à se fédérer en agglomérations, et les liens sont assurés entre la "grosse ville" Portland et les petites installations comme Jacksonville. Les Indiens sont là eux aussi, dans les bois, mais la cohabitation s'effectue, sauf quand une tribu s'inquiète du fait que les colons commencent à construire un peu trop de cabanes... Nous suivons des protagonistes divers dans ce contexte fragile: les Dance, une famille de colons qui ont trouvé l'endroit où installer leur ferme, un peu à l'écart de la ville de Jacksonville; ils ont recueilli Caroline, une jeune femme venue avec ses parents et désireuse de s'installer pour de bon; George Camrose (Brian Donlevy) est un homme d'affaire avec une addiction au jeu, mais c'est aussi un brave homme: son ami et associé Logan Stuart (Dana Andrews) va d'ailleurs chercher sa fiancée Lucy (Susan Hayward) pour lui à Portland; enfin, dans la petite localité, le costaud Honey Bragg est un spectacle permanent pour la population, qui fait des paris sur les innombrables bagarres qu'il lance. Mais Stuart pense que Bragg est bien plus que ça, et le soupçonne de meurtre, dans ce camp fragile où tout le monde se promène avec de l'or sur soi...

Difficile de résumer un film qui se passe presque comme une chronique: ça ferait presque penser à Stars in my crown, la nostalgie en moins. Et deux autres aspects essentiels le différencient de cet autre film: Canyon passage est situé sur une très courte période là où Stars porte sur une dizaone d'années, et ce western-ci est d'une grande noirceur derrière le Technicolor et le volontarisme des héros... Car pour que "boy meets girl", à la fin, il y aura eu un grand nombre de morts violentes...

C'est l'esprit de la frontière, d'ailleurs, qui domine, en trois types de populations: les Dances et la tentation de s'arrêter et de s'installer; au contraire, Stuart, clairement identifié comme le héros, a la bougeotte, et en dépit du nombre de personnes qui lui signalent sa réussite (il est dépositaire de l'or de ses concitoyens, et il arrondit sérieusement ses fins de mois) il n'a qu'une seule envie: voyager, changer d'air, et surtout ne pas se fixer; enfin, George présenté comme un faible, montre les risques qu'on prend à s'engager sur la frontière à la légère... Dans le film, il sera une victime à la fois de ses démons (le jeu) et de la population qui le désigne assez vite comme un nuisible. De fait, il est accusé d'avoir tué un homme, et si nous ne l'avons jamais vu le faire nous avons suffisamment d'indices pour le confirmer! Tourneur enfin choisit d'incarner le mal absolu et insaisissable çà travers Honey Bragg, l'intenable fier-à-bras, brutal, méchant, et même assassin et violeur. Le metteur en scène fait un superbe usage de l'ellipse pour nous montrer à quel point le personnage est un élément disruptif de la nature même, à l'opposé des tribus indiennes...

C'est toujours empreint de lyrisme, souvent étonnant dans les choix de l'intrigue, tourné dans de magnifiques paysages (notons qu'on est loin ici des westerns habituels, et qu'en 1856, l'Oregon était un paysage de montagnes, de forêts et de lacs à perte de vue, donc on s'éloigne des clichés du western d'Arizona!). Tout ça fait un film irrésistible, riche, et surprenant dans lequel une fois de plus Tourneur oppose les individus à la foule, et une fois de plus cette dernière n'en sort pas grandie.

 

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Published by François Massarelli - dans Jacques Tourneur Western