
Quelle histoire compliquée que celle de cette screwball comedy! Je ne parle pas ici de l'intrigue (quoique...) mais bien du destin étrange du film, dont le tournage prit du retard, tout bonnement parce que Leo McCarey qui devait en être le metteur en scène, a eu un accident très grave, l'empêchant de diriger la production. C'est donc à Kanin que la tâche, efficace mais sans génie, échut...
Nick Arden (Cary Grant), un avocat, a passé sept années à chercher dans le monde son épouse, disparue dans un naufrage. Au bout de sept années, il a fini par se résoudre au pire, et il a rencontré une jeune femme, Bianca (Gail Patrick), avec laquelle il a résolu de se marier... Au grand dam de ses enfants, car ils ne l'aiment pas, mais alors pas du tout...
Le lendemain du départ de Nik et Bianca pour leur noce et leur lune de miel, Ellen Arden (Irene Dunne), épouse supposée défunte et légalement reconnue morte, arrive donc chez elle, et se résout bien vite à rejoindre Nick sur son lieu de vacances pour empêcher le pire...
Voilà, j'ai simplifié à l'extrême, mais il y a plus, bien plus, notamment le fait que dans l'île déserte où elle a survécu à l'écart du monde durant sept années, Ellen n'était bien entendu pas seule: et l'homme avec lequel elle a passé toutes ces années, Stephen (Randolph Scott), était tout sauf un petit rien du tout ventripotent, comme elle le prétend...
Nous sommes donc face à une situation propice à ces délicieuses situations excentriques coutumières du genre. Le film est assez bien construit, bien qu'il s'essouffle au milieu, un fait qui poussa la production à demander à McCarey sur son lit d'hôpital une séquence supplémentaire qui a plus ou moins sauvé le film, avec la personnalité embrouillée d'un juge qui doit décider si Grant est bigame ou non, et qui ne comprend pas exactement le fin mot de l'histoire.
D'ailleurs, c'est aussi souvent drôle parce que c'est souvent très proche de The awful truth, le film de 1937 que McCarey avait tourné avec les deux mêmes interprètes principaux, le final en étant même gênant tellement on s'en rapproche... Néanmoins la dynamique entre Irene Dunne et Cary Grant, d'une part, et entre leur couple et Randolph Scott, d'autre part, vaut sincèrement le détour. Grant est à son aise, dans un personnage qui perd volontiers ses nerfs...
Et paradoxalement, ce film qui s'est fait, est sorti, est paradoxalement eclipsé par son remake, qui lui ne s'est pas fait: en effet, si en 1962, George Cukor a recyclé cette intrigue dans Something's got to give, le film a souffert de la mort de l'interprète féminine principale, une certaine Marilyn Monroe.

