
On ne parle pas beaucoup de ce film, qui a pourtant tout pour être une cause célèbre... Une star en fin de course qui profite de sa dernière occasion de briller dans un premier rôle, une production internationale (scénario, distribution et studio français, réalisateur Italien, star Américaine, techniciens Allemands et extérieurs Espagnols...), et par dessus le marché un problème de timing particulièrement important: commencé en plein muet, sorti synchronisé et doublé puisque sa star ne parle pas un mot de français... ce qui se voit, et se lit sur les lèvres.
Le film devait être une réalisation de René Clair, mais ça ne s'est pas fait; il signe par contre l'argument, aussi simple que peut l'être Sous les toits de Paris: Lucienne (Louis Brooks) est en couple avec André (George Charlia), et il est jaloux, mais jaloux... La jeune femme, qui est dactylo, rêve de participer à un concours de beauté, et s'inscrit malgré les réticences de son fiancé... Et évidemment elle gagne: le couple va se déchirer à la suite de l'affaire...
Le miroir aux alouettes et l'illusion des paillettes, la difficulté à opérer une véritable ascension sociale, la jalousie, les moteurs mélodramatiques ne manquent pas pour une héroïne qui a autant envie de rêver que de s'en sortir: rêver, c'est justement, probablement, le point qui a motivé René Clair, mais le film me paraît peu en phase avec son oeuvre. D'une part parce que Gennina en a gommé toute fantaisie au profit d'une étonnante et souvent efficace peinture des milieux, des contrastes entre les deux vies possibles de Lucienne la dactylo. Avec son André si terriblement jaloux , elle aurait un peu d'affection et très peu de glamour. Avec les hommes qui guettent les miss, et qui tentent de les séduire et les exploiter elle bénéficie d'un rêve glauque et probablement de courte durée: le film nous conte le choc de ces deux mondes en même temps que le choc entre le prolétariat des années 20 et 30 et une certaine vision de la bourgeoisie.
Louise Brooks est excellente, à condition bien sûr de regarder la version muette exhumée ces dernières années, qui font de Prix de beauté un bien meilleur film que le bricolage dégoûtant sorti en août 1930. Le film est plus long, plus fluide aussi... La tentation du son y est bien présente (nombreux plans de "machines parlantes", radios, phonographes, etc), et aurait pu être l'affaire d'une ou deux chansons, le reste tient la route presque sans intertitres. C'est souvent du grand cinéma muet, avec cette attention toute particulière du détail, de l'environnement, ces mouvements de caméra et cette place donnée au suspense. A ce titre, la dernière bobine est tout simplement remarquable...





