
A Budapest, le dirigeant d'un cinéma (Alan Hale) se rend dans un orphelinat pour y proposer l'embauche d'une jeune fille pour être ouvreuse dans son établissement. Il choisit Luisa Ginglebusher (Margaret Sullavan), l'une des plus âgées, mais aussi des plus fantasques, des locataires de l'établissement... Nous ne la verrons pas beaucoup faire son métier pour autant, car elle va très vite découvrir l'un des désavantages de son métier: il attire les hommes. Quand elle se retrouve en compagnie d'un séducteur, Luisa trouve la solution, elle prétend être mariée...
Ayant rencontré lors d'une séance de cinéma Detlaff (Reginald Owen) qui travaille comme garçon dans un hôtel de luxe, il l'invite à l'accompagner, afin de réussir à manger à l'oeil. Mais... Luisa, décidément peu au fait des aléas de la séduction, se retrouve dans les bras d'un important et riche homme d'affaires, Konrad (Frank Morgan). Afin d'échapper à ses assauts, elle prétend être mariée. Beau joueur, Konrad lui suggère de nommer son mari afin qu'il lui rende la vie plus facile. Luisa sélectionne dans l'annuaire le nom d'un avocat, Max Sporum (Herbert Marshall): celui-ci va donc bénéficier, sans trop y comprendre, des largesses de Konrad, et entrer malgré lui dans la vie de la jeune femme...
Qui est "la bonne fée"? Est-ce Luisa, qui essaie de profiter de son influence sur Konrad et ses millions, pour faire le bonheur d'un inconnu qui en a bien besoin (c'est un avocat, mais l'annuaire indique qu'il vit dans un quartier peu reluisant)? Est-ce Konrad, qui est prêt à tout pour séduire la jeune femme (mais qui a des intentions bien équivoques)? Ou ne serait-ce pas plutôt le grognon Detlaff, irascible mais dont la tendresse pour sa protégée n'a pas besoin d'être exprimée? Voire... ne serait-ce pas tout simplement Maurice Schlapkohl (Alan Hale, dans un rôle minuscule mais mémorable), l'homme qui a tout déclenché?
C'est un film formidable, dont William Wyler, qui n'adapte pas la pièce de Molnar puisque le script en est éloigné, fait son traitement coutumier, privilégiant des prises longues afin de laisser les dialogues respirer. Et quels dialogues! Preston Surges a du batailler ferme pour maintenir un certain niveau de coquinerie, d'autant qu'on en est aux premiers temps de l'application du code de production, mais il est impossible de ne pas y voir les aventures d'une innocente (Luisa), protégée par un brave homme qui la veille comme un oncle (Detlaff), aux prises avec un vieux garçon (Konrad) qui aimerait vraiment la faire passer à la casserole! On peut bien sûr ajouter le personnage de Max, l'avocat idéaliste, et admettre qu'il est probablement aussi innocent que Luisa, et on est en pleine screwball comedy, délectable et enlevée.
Cette fois, en dépit de la pièce écrite par Ferenc Molnar, on n'est pas vraiment dans l'esprit de Mitteleuropa... On n'est pas vraiment chez Wyler non plus, même si la mise en scène est impeccable: on est entré dans l'univers loufoque de Preston Sturges, où tout le monde ment sans mauvaises intentions... Et suivre Margaret Sullavan en folle ingénue dans cette équipée, est décidément un grand plaisir.

