Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 avril 2020 1 27 /04 /avril /2020 11:46

Sam Dodsworth (Walter Huston), président et fondateur de Dodsworth Motor Co, est pour la dernière fois le chef d'entreprise qu'il a été pendant vingt et quelques années: il a été racheté par un groupe important, et il doit céder sa place... Le film commence par une vue de lui face à l'oeuvre de sa vie, dont le nom se devine, en perspective. Il est de dos, mais son malaise est perceptible; puis, on le voit se rendre vers sa voiture, au milieu des témoignages de sympathie de ses ex-employés, qui l'appellent tous 'Sam'. En à peine une minute, le portrait d'un homme nous révèle que c'est un type formidable... Formidable et simple: c'est ce que la suite va révéler...

Pourtant, ça part bien: désormais, Fran Dodsworth (Ruth Chatterton) a son mari pour elle toute seule, et s'avère facilement gourmande: une croisière, voir le monde, etc etc etc... Mais sur le bateau pour la Grande-Bretagne, très vite, Fran en veut plus; et un dandy, excellemment interprété par David Niven, va bénéficier de toutes ses attentions jusqu'à ce qu'elle estime qu'il a été trop loin: le jeune homme, et Sam aussi, vont lui dire ses quatre vérités... A partir de là , pour le mariage de Sam, c'est la descente aux enfers. Mais pour qui? Pour Fran, qui réalise qu'elle va désormais vieillir et cohabiter jusqu'à la fin de ses jours avec un homme plus âgé qu'elle, ou pour Sam qui se dépense sans compter pour une femme à la fois volage, exigeante et profondément égoïste?

La fable est tirée d'un roman de Sinclair Lewis, qui n'est certes pas tendre dans sa radiographie de la vie d'une Américaine qui se perd dans son refus de vieillir et d'assumer ce qu'elle est devenue, entraînant son mari dans sa fuite en avant. Un personnage qui est à rapprocher d'autres, bien sûr, dans l'oeuvre du metteur en scène William Wyler, d'autres "obsédés" qui voient le monde uniquement selon leur point de vue. Mais ici, nous adoptons dès le départ celui de Sam, interprété avec un grand naturel par Walter Huston. La bonhomie du personnage, sa simplicité, font paradoxalement du personnage un héros de cinéma très convaincant!

Sur le bateau, Sam et Fran font tous deux des rencontre, du reste: pendant que Fran rencontre le jeune Capitaine Lockert (Niven) qui sera ensuite supplanté par d'autres dont Paul Lukas, Sam rencontre une jeune femme qui part vivre en Italie, parce que la vie n'y est pas chère: Edith Cortright (Mary Astor), divorcée, a décidé de découvrir l'Europe, et d'élargir ses horizons. Le courant passe très vite entre les deux... Mais Sam mettra du temps à s'en apercevoir. 

Se reposant sur un recours très important aux acteurs, le film bénéficie quand même du sens admirable de la composition de Wyler, et celui-ci installe une tension impressionnante dans chaque scène, faisant systématiquement passer le film de la comédie au drame, parfois en un seul plan. Il sait demander aux acteurs un jeu physique, dans l'utilisation d'une posture, d'un geste, d'un regard, et à ce titre il est copieusement servi, dans ce film qui vient deux années après l'instauration d'un code de production et de censure drastique, mais qui regarde l'adultère et le divorce droit dans les yeux... Rares sont les films de cette époque qui réussissent à aller aussi loin dans la représentation de l'intimité d'un couple, sans voyeurisme, et en toute pertinence. C'est un chef d'oeuvre!

 

Partager cet article
Repost0
Published by François Massarelli - dans William Wyler