
La Roue, de Gance, est un film tellement énorme, tellement excessif, qu'il justifiait bien qu'on entame avec lui ce regard curieux et assez paradoxal du cinéma sur lui-même... C'est à Blaise Cendrars, assistant enthousiaste du projet durant tout le tournage (1919 à 1921), qu'incombait donc le privilège d'entamer l'existence des films documentaires consacrés au tournage des grands films, et allaient donc suivre, entre autres, Autour de Napoléon, Autour de L'argent (dans les coulisses du film de L'Herbier, vues par Jean Dréville), ou encore Autour de La fin du monde...
C'est ici assez court (surtout si on compare avec les quasi sept heures de la version restaurée!) mais c'est surtout marqué par le souffle du film, qui rejaillit dans ces images de créateurs enfiévrés: car ne nous y trompons pas, Léonce-Henri Burel, chef opérateur, et Abel Gance, metteur en scène, même aperçus devisant gaiement et blaguant sans retenue sur le tournage, ont fait oeuvre de pionniers, filmant la course d'un train depuis la locomotive, filmant deux hommes qui se bagarrent au bord d'un gouffre à plus de trois mille mètres d'altitude, filmant enfin un homme qui meurt en faisant tout pour exorciser la bête qui est en lui; Cendrars entendait créer un souvenir de ce chef d'oeuvre qu'était La Roue, et de la fierté qui était la sienne d'y avoir participé; il en a mitonné un parfait prologue, une préface, qui aiguise notre appétit.