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19 juillet 2020 7 19 /07 /juillet /2020 10:08

Jean Vigo, disait Truffaut, était un de ces rares cinéastes, à son époque, qui soit venu au métier non par hasard mais par vocation... Et comme beaucoup d'autres (Clair, Carné, Kirsanoff...) c'est par l'avant-garde, avec ce petit film co-dirigé avec son complice le caméraman Boris Kaufman, qu'il s'est d'abord timidement fait connaître. Il en existe deux versions, une en trois bobines qui n'avait pas satisfait le metteur en scène, et une plus resserrée qui est la plus connue, en 23 minutes.

Tourné en quelques jours à Nice, ce "point de vue documentaire" est donc le premier film de l'une des personnalités les plus fascinantes et les plus libres de l'histoire du cinéma. Avec Kaufman, les images glanées par Vigo dans les rues de Nice s'agencent en une belle démonstration d'une certaine inégalité, qui culmine dans une vision du carnaval en tant que fête populaire. C'est auto-financé et amateur, mais déjà on voit ici le résultat d'observations dues à l'oeil exceptionnel de Vigo, et son goût pour l'étrange ralenti charnel, qui s'attarde sur les corps comme pour mieux les toucher. Le film est basé sur ce que le cinéaste nommait un «point de vue documenté», et les deux compères sont devenus experts pour filmer des gens à leur insu, l'idée étant de s'arrêter de tourner la manivelle au moment où le sujet réalisait qu'il ou elle était filmé.

...ce qui n'empêche pas les facéties, d'où ces gags clairement mis en scène, comme ce monsieur qui expose son visage grimaçant au soleil du midi, et qui se retrouve ensuite peint en noir; ou cette célèbre séquence d'une jeune femme assise négligemment, que le montage habille de robes diverses avant de la voir apparaître totalement nue, toujours dans la même position passive. Vigo n'abandonnera jamais ce goût pour l'irruption de l'absurde burlesque, qui se manifeste absolument dans tous ses films.

La ville nous apparaît dans ce film comme constamment tournée vers la mer, faussement résumée dans cette vitrine de luxe qu'est la promenade des Anglais où les gens aisés prennent le frais, le café, et... s'endorment à la terrasse des cafés, en représentation. Et puis son Nice dominé par les riches reste comme sauvé, détourné par Vigo qui s'intéresse d'une part beaucoup aux rues populaires, aux petites gens saisis dans leur humanité, et au carnaval, véritable défouloir, dans lequel on apercevra justement vers la fin un jeune homme frêle mais jovial nommé... Jean Vigo. Il a l'air content d'avoir pu transcrire son mélange d'amour et de haine pour la ville qui l'a accueilli, et qui lui aura permis de se lancer vraiment en cinéma.

 

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Published by François Massarelli - dans Jean Vigo Muet 1930 **