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Sorti à l'automne 1968, Funny girl vient au bout d'une part d'un cycle de comédies musicales "différentes" qui ont marqué les années 60 et les derniers feux d'un genre glorieux mais coûteux... Et des productions plus avant-gardistes comme Sweet Charity, sorti l'année suivante, en marqueront la fin; d'autre part la carrière de Wyler arrive quasiment à son terme, et si le vieux metteur en scène se défend encore il est quand même considéré ici comme l'un des maillons de la chaîne: il est le réalisateur certes, mais les séquences musicales gardent la supervision de Herbert Ross, et le film est adapté d'une pièce qui a eu un énorme succès à Broadway. Et pourtant... Mais on y reviendra.
Non, Funny girl appartient d'abord et avant tout à Barbra Streisand dont c'est le premier rôle à l'écran, et qui obtiendra (c'est décidément ne malédiction des films de Wyler: Bette Davis, Greer Garson, Olivia de Havilland, et Audrey Hepburn peuvent en témoigner) un Oscar bien mérité pour une performance époustouflante... Elle y est fanny Brice, actrice et chanteuse comique qui a fait une carrière exceptionnelle en particulier grâce à ses prestations "différentes" dans les revues de Florenz Ziegfeld. On la suit depuis les quartiers Juifs de New York, puis vers une carrière irrésistible, largement pilotée par elle-même, qui tranche avec les beautés classiques présentées soir après soir dans les revues de Ziegfeld. On suit également son histoire d'amour compliquée avec Nick Arnstein (Omar Sharif), un joueur professionnel qui supportera de plus en plus mal d'être M. Brice après avoir épousé Fanny...
Omar Sharif: c'est l'un des problèmes du film... On peut demander beaucoup à cet acteur, et le fait d'en faire un sympathique joueur invétéré ne me paraît évidemment pas être vraiment l'occasion de lui demander d'interpréter un rôle difficile pour lui. Mais voilà: il chante... Et face à Streisand, ça a dû être dur: et ça se voit. Tous ses efforts, son charme, sont peine perdue: il est pâlot... Et ça va même plus loin, je me demande dans quelle mesure ça n'a pas été un geste délibéré de Wyler d'utiliser cette pâleur afin d'avancer sa propre vision du film... Car Funny girl n'est pas qu'un film sur le vilain petit canard qui devient une star non pas malgré, mais presque grâce à sa laideur. ce qui serait bien sûr un conte de fées... Mais non: c'est l'histoire d'un affranchissement, ce qui ne surprendra aucun des habitués des films du maître: Laura La Plante dans The love trap s'affranchissait d'un scandale, Audrey Hepburn dans Roman Holiday fuyait les obligations du trône. Et Ben-Hur est entièrement dédié à la cause de la liberté, sous de multiples formes... Le film nous montre comment Fanny Brice s'affranchit de tout et mène sa barque, allant jusqu'à jeter les convenances par dessus bord au seuil d'une nuit d'amour bien méritée... Elle affirme au plus haut sa prépondérance sur la gent masculine, et ira au bout en s'affranchissant également de son amour dans une ultime chanson...
Quant à Wyler, il n'est pas en reste... Aidé par le succès et la réputation de la pièce (et aidé sans doute par le fait qu'il devient automatiquement un second couteau quand les scènes musicales prennent le dessus), il filme en liberté, se régale de prises de vues d'un quartier juif plus vrai que nature, même s'il a de façon évidente été filmé en studio; il filme la star chantant dans un train qui sur un chalutier depuis un hélicoptère, et ose des transitions qui rappellent que le cinéma évolue et que le montage est devenu un art de la rupture: le point le plus volontairement grotesque du film (Fanny massacrant sur scène Le lac des cygnes, c'est hilarant et surprenant de dignité à la fois) est suivi sans transition aucune par une scène de conflit entre les amants, qui a tout de la scène de rupture...
Alors oui, il a peut être des défauts, ce film, mais il vaut la peine d'être vu ne serait ce que pour le numéro impressionnant de sa star... Elle est poignante, certes. Et puis quand elle chante, elle chante: ça oui. D'ailleurs Streisand reviendra au rôle pour Funny Lady en 1975, mais sans Wyler qui a fini par décider de s'affranchir de son métier aussi.
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