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Erie, Pennsylvanie, 1964: quelques fois, il suffit de pas grand chose... Comme un batteur (Giovanni Ribisi) qui se casse la figure en faisant l'imbécile dans la rue, alors que le soir il joue avec son groupe pour un très important "tremplin"! Vous savez, ces "talent shows" qu'on appelait des "radio-crochets" en France... Donc le batteur du groupe de Jimmy (Johnathon Schaech), Leo (Steve Zahn) et ...de leur bassiste dont le nom nous échappe (Ethan Embry) se voit donc obligé de recruter un autre batteur, le fou de jazz Guy Patterson ((Tom Everett Scott). Celui-ci n'aura aucun problème à maîtriser la chanson qu'ils doivent interpréter pour l'occasion, écrite par Jimmy, mais pris d'une pulsion soudaine il en triple le tempo, et... c'est une merveille! Le public devient fou, le groupe (baptisé The Oneders, à la façon des Beatles: "one" + "ders", ce qui donne "the Wonders" mais les condamne pour le premier tiers à se faire appeler "the Oneeders") gagne le premier prix et le succès est au rendez-vous. Guy va rester dans le groupe... Ils vont donc jouer dans un restaurant qu'ils vont remplir, puis enregistrer un single avec un oncle de Guy, puis rencontrer un manager local, puis attirer l'attention d'un label qui leur envoie un émissaire en la personne d'Amos White (Tom Hanks)... Celui-ci va leur permettre de bénéficier de toute l'expérience d'un groupe Américain de 1964, tournées, télévision, et plein d'autres choses encore. Et bien sûr, ce sera sous le nom modifié de "The Wonders"...
Le film, produit quasiment en famille (avec le copain Jonathan Demme qui venait de triompher en compagnie de Hanks et Philadelphia), est une façon pour l'acteur de réfléchir sur la futilité impressionnante du succès, puisqu'évidemment les Wonders ("merveilles") vont devenir une vrai "One-hit wonder", soit un groupe d'un seul tube. L'acteur s'est clairement fait plaisir en réussissant à mobiliser la Fox autour de son projet et s'est vu confier des moyens impressionnants (ce qu'il se refusera pour son deuxième film vingt ans après) pour recréer l'Amérique de 1964... C'est l'une des plus importantes qualités de cette comédie d'ailleurs que de donner à voir l'Amérique telle qu'elle se rêvait à l'époque. On aurait presque l'impression que dans ce monde de 1964, il n'y a pas de Vietnam, que la vie d'un groupe n'est que copinage et plaisir, et que tout est bel et bon, et pourtant...
Hanks s'est plus à truffer son film d'une myriade de petits détails qu'on captera ou pas, et qui offre la possibilité d'autres lectures... Pour commencer, dans ce film on ne connaîtra pas le nom d'un des musiciens, et non des moindres puisque c'est le bassiste: au générique Ethan Embry y est crédité pour le rôle de T. B. Player, un gag mais qui rappelle bien l'anonymat forcé que vivent tant de musiciens, dans une industrie qui choisit ses vedettes. On voit de quelle manière la compétition sera imposée entre l'ombrageux Jimmy, principal compositeur et chanteur des Wonders, et le batteur d'un soir devenu sauveur du groupe, Guy Patterson, auquel Amos White impose un accessoire arbitraire qui va devenir une marque de fabrique: une paire de lunettes noires... Une jeune femme, la petite amie de Jimmy, Faye (Liv Tyler), suit le groupe dans sa tournée et va devoir subir les sautes d'humeur de son petit ami avant de se voir traiter comme de la crotte. Le mot 'groupie' n'est pas loin, et le fait est qu'elle développe de plus en plus une affection visible pour Guy. Et quand elle est malade, Amos White lui donne sans autres commentaires trois pilules sans intervention d'un médecin... Que se serait-il passé si la tournée avait duré plus que quelques mois? Le bassiste, de son côté, a programmé de ne pas finir la tournée, puisqu'il s'est engagé dans l'armée. Comme on s'en doute, il partira au Vietnam. Donc sous la comédie, Hanks n'oublie jamais de montrer des bribes d'un réalisme, qui sont discrètes parce que jusqu'à un certain point, ces jeunes gens vivent, après tout, un conte de fées. Mais un conte de fées avec des chambres d'hôtel, des filles en robe rose qui crient, et des conflits d'ego... Et Hanks, tout juste sorti de Philadephia, envoie une petite allusion au film de Demme en suggérant que son personnage est gay... Comme Brian Epstein, a-t-on inévitablement envie de dire.
Outre la reconstitution, l'énergie déployée pour la comédie est communicative et repose sur un choix d'acteurs très réussi, dans lequel Hanks ne se prive pas d'introduire une bonne part de gaucherie, car tous ces ados ne sont pas forcément très à l'aise en toute circonstances. On évite beaucoup de clichés sur les éventuelles coucheries, et Guy, gentleman jusqu'au bout des ongles, ne profitera pas de toutes les aubaines, sans doute parce qu'il croit longtemps que sa petite amie l'attend à Erie (elle n'a as attendu très longtemps...). L'un des aspects les plus intéressants de ce jeu d'acteurs réside dans le choix d'un réalisme impressionnant pour figurer des musiciens: aucun n'avait le niveau de jouer aussi bien, mais tous ont appris les gestes, résultant dans l'impression que les jeunes acteurs jouent vraiment! Et comme la bande-son a été très travaillée, on assiste au raffinement d'une chanson puisque That thing you do, chanson à la manière des Beatles, évolue en fonction des situations. Ce qui permet d'apporter du crédit à l'idée que ces jeunes musiciens s'améliorent et s'endurcissent...
De toutes façons, le film est aussi et surtout une somme de plaisirs: celui de Hanks de réaliser à sa façon un film, de diriger les acteurs à sa guise et de figurer une Amérique plus belle qu'elle ne le sera jamais; celui des acteurs de s'amuser jusqu'au bout être ces gendres parfaits; celui même de Jonathan Demme d'apparaître discrètement en réalisateur de navets Californiens! C'est sans doute une sucrerie, un feel good movie, il y aurait peut-être à redire sur certaines longueurs, mais c'est du bonheur, et on ne peut s'empêcher qu'ici l'Amérique réécrit un peu son histoire, car à travers la folle équipée d'une troupe de jeunes musiciens propres sur eux, on peut lire la frustration d'une industrie musicale Américaine qui s'est endormie entre 1964 et 1967, au point de se laisser envahir par la compétition Européenne, la fameuse "British Invasion"! Mais ne nous y trompons pas, le succès des Wonders, qui semble durer environ deux ou trois mois, n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan. Le succès tout court? Ce n'est rien, juste un passage, nous dit Tom Hanks le sage... C'est juste un bon moment à passer. Comme le film, tiens!
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