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4 janvier 2021 1 04 /01 /janvier /2021 16:05

Alexandre (Philippe Noiret) n'est pas heureux: agriculteur, il possède de la terre, beaucoup de terre, et depuis dix ans qu'il est marié, son épouse "La Grande" (Françoise Brion) le force à travailler dur, sans aucun répit... Lui qui souhaiterait tant s'arrêter un peu, faire la grasse matinée, taquiner le poisson dans le Loir, jouer au billard avec ses copains (Jean Carmet, Pierre Richard), se laisser aller à jouer au foot avec les enfants de l'école du village... et avoir un chien. Il y en a un d'ailleurs, qui lui est réservé chez un voisin (Paul le Person) mais Alexandre attend le bon moment d'en parler à son épouse. Donc Alexandre étouffe et n'en peut plus. Il explose, même, mais rien n'y fait: elle lui impose des corvées tous les jours, d'un claquement de doigts. Y compris de la grimper, c'est dire.

Quand elle meurt (dans un des accidents les moins spectaculaires et les plus économiques de l'histoire du septième art), Alexandre comprend qu'il est enfin libre, il se rend donc dans sa chambre et va devenir un repoussoir pour une partie du village, un modèle pour d'autres...

Cette fable tournée au milieu de 1967 arrive à point nommé... Robert a bien senti les grands changements en cours en cette fin des années 60, même si la France Gââââââââulliste n'est pas encore concernée de façon très marquée... Alexandre n'est pourtant pas un hippie avant l'heure, juste un homme qui souhaite arrêter le cours des choses, et se consacrer au bonheur de l'instant. On remarquera deux choses: d'une part on est loin de l'utopie, car ce que veut Alexandre, c'est être seul, et qu'on lui foute la paix... Quand vient Agathe (Marlène Jobert) qui s'intéresse beaucoup à celui que tous montrent du doigt, il lui arrivera bien de la lutiner... Il y a aura des suiveurs aussi, parmi les copains et jusqu'aux enfants (contrairement à la vaste majorité de la population atterrée devant un agriculteur qui provoque de lui même le manque à gagner!), mais Alexandre n'a qu'un seul but, un bonheur égoïste, et j'en ai peur, parfaitement compréhensible. Là où la fable d'Yves Robert est un rien militante, c'est sans doute dans l'hypothèse de tout arrêter...

Mais ce qui compte dans ce film merveilleusement cotonneux et confortable, loin des furies des émeutes Américaines ou des futures barricades Parisiennes, loin enfin des utopies du Larzac, car je le répète Alexandre ne vit que pour lui seul, c'est que c'est une comédie, une de ces oeuvres au ton particulièrement recherché, qui ont fait tout le prix d'un cinéaste comme Yves Robert. Ici il fait la synthèse du meilleur de sa filmographie: vous y entendrez Paul Le Person traiter Philippe Noiret de "Couille molle" comme les enfants de la Guerre des boutons, et on y retrouvera un peu de l'esprit de Ni vu ni connu. Et avec l'apport de la couleur, qui embellit l'Eure-et-Loir, on a un atout considérable, pour un film qui donne envie d'y vivre! La comédie est rigoureuse, tout en reposant sur un montage et un rythme sûrs; c'est une grande réussite, et un classique à sa façon...

 

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Published by François Massarelli - dans Comédie Yves Robert