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29 août 2021 7 29 /08 /août /2021 08:19

James et Catherine sont un couple aussi libre que prisonnier: ils s'autorisent mutuellement de coucher à droite à gauche, et ce dès les dix premières minutes du film, mais pour confronter les expériences une fois revenus à la maison... Pourtant ça ne leur procure pas grand chose. James a un accident de voiture, dans lequel un autre conducteur décède. A l'hôpital, James croise sa veuve, qui était dans la voiture elle aussi. Ils se voient dans le parking, autour de carcasses de véhicules accidentés, et James la ramène chez elle: ils se jettent l'un sur l'autre dans la voiture. A partir de là, la sexualité de tous les personnages devient indissociable de la voiture, et du risque d'accidents...

Le propos de Cronenberg, dans ce film adapté d'un roman de J. G. Ballard, est de prolonger sa réflexion sur l'extension du corps humain, enjeu de ce tournant de siècle. James et Catherine, et avec eux Helen et Vaughan, l'obsédé des accidents qui rêve de mourir comme James Dean et recrée les morts automobiles célèbres, recherchent dans le rapport à la voiture, aux accidents mécaniques, à la route et à ses dangers, un frisson érotique. Et bien évidemment, c'est froid, très froid! Mais quand on considère la plupart de ses films, on est devant le même univers finalement, et le cinéaste ne glorifie ni ne condamne rien, il illustre plutôt le tourment d'une humanité prise au piège du progrès technologique, comme plus tôt dans Existenz

Car dans le film, la recherche du plaisir sexuel par les accidents, qui passe par des stades assez rebutants et illustrés avec le même soin que le reste (une rencontre de James Spader avec Rosanna Arquette, en particulier, restera en mémoire à cause de l'usage fait par une cicatrice béante derrière la cuisse de la jeune femme, rescapée d'un accident lointain qui l'a laissée en lambeaux) mène à la mort, et deux personnages décèderont dans leurs frasques automobiles, et lors de la dernière séquence, Catherine est presque déçue d'avoir échappé à la mort, après que sa voiture ait quitté la route!

L'aliénation ici vient de cette recherche d'un échappatoire sexuel par la technologie, dans un monde envahi par la voiture; les décors du films, qui se passe rarement dans le salon des uns ou des autres, est entièrement soumis à cette idée: un atelier par-ci, un garage par-là, une autoroute, des parkings et une casse deviennent le terrain de jeu des personnages. L'humour semble absent, mais c'est ici le boulot du spectateur de goûter la profonde ironie, sans doute teintée de dégoût, devant cette humanité malade, et au passage, j'aime me méfier de ces sempiternelles remarques, toujours liées à une lecture après coup, sur le statut "prophétique" d'un film, mais par certains côté, on anticipe ici sur une sexualité entièrement liée à internet... 

Le film fascine autant qu'il repousse, aujourd'hui comme hier; le jeu volontiers froid et émotionnellement distant des protagonistes, à commencer par James Spader et Deborah Unger, la litanie des cicatrices, les comportements quasi animaux, et cet univers claustrophobe de métal, d'essence et de verre brisé ne créent pas un univers très ragoûtant. La théâtralisation permanente de la sexualité est furieusement agaçante avec ses clichés à deux balles (un monde dans lequel le collant n'aurait jamais été inventé, manifestement), mais le message de Cronenberg, qui crie assez clairement au secours ici, passe.

Tout de même, ça pique.

 

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Published by François Massarelli - dans David Cronenberg Zizi panpan