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Eva (Hedy Kiessler) se marie, elle est anxieuse mais a malgré tout hâte, et... Rien ne se passe: son mari (Zvonimir Rogoz) s'est piqué un doigt en la déshabillant (il a vraiment fallu qu'elle insiste, d'ailleurs), et il ne sort pas de la salle de bain.
Eva s'ennuie: c'est la lune de miel, et elle reste à se morfondre, en compagnie d'un mari trop âgé qui ne lui inspire plus rien, et en dépit de la carte postale (montagne, lac, hôtels de luxe), à l'écart de tout romantisme...
Eva s'enfuit donc et retourne à la maison paternelle où son père l'accueille, mais sans pour autant s'abstenir de tout reproche. Avec ses chevaux, la jeune femme tente de se reconstruire, mais il lui reste quand même un regret. Une nuit, alors qu'elle ne dort pas, elle décide de partir faire une promenade dans la nature en fête...
Ce qui suit est sans doute la plus connue des séquences du film, un moment assez célèbre historiquement, et sur lequel beaucoup de bêtises ont été dites: non, ce n'est pas la première séquence de nu du cinéma, enfin! quoiqu'il en soit, Eva va se baigner, et son cheval, attiré par le son d'un congénère, s'enfuit de la berge, avec les vêtements de la jeune femme sur le dos... Elle part à sa recherche, et tombe nez à nez avec un jeune ingénieur (Aribert Mog) qui a réussi à récupérer la bête... Il y a, bientôt, une ellipse...
Parce que le sujet de ce film n'est pas le mariage, ni la nudité, encore moins l'adultère: c'est la sexualité féminine, et son versant concret, rarement évoqué, l'orgasme. Eva, dès la première séquence, se situe aux antipodes du cliché de la jeune mariée terrifiée à l'idée du destin funeste qui l'attend dans les bras de son mari. Elle veut partager ce moment avec lui, et sa frustration est palpable quand il se refuse à la suivre dans la chambre. Et la scène la plus osée du film, du coup, en acquiert une force étonnante: Eva a rencontré le jeune homme, et décide d'aller le retrouver. Leur rencontre ne fera pas cette fois l'objet d'une ellipse, mais Machaty la tourne à la hauteur des têtes des protagonistes, et en particulier celle d'Hedy Kiessler.. Le plaisir y est à la fois montré et suggéré, la scène est lyrique, et le cinéaste peut cette fois faire l'économie de toute nudité: c'est troublant, de voir que cette première vision explicite de la sexualité dans le cinéma est en même temps une séquence absolument décente.
Le film obéit toutefois à une sorte de loi, qui a la vie dure (Même Catherine Breillat il y a peu, y avait encore recours): la sexualité féminine, quand elle s'exprime pleinement au cinéma, sera suivie de complications, et surtout de culpabilité. Le premier acte établit l'échec du mariage, le deuxième l'épanouissement par la sexualité et le dernier, qui raconte les circonstances du suicide du mari, voit l'échec du couple adultère. Il existe plusieurs versions du film, et dans l'une d'entre elles (l'Allemande, pour précis), Machaty esquisse une sorte de happy-end avec une vie de couple épanouie pour les deux amants, mais ce n'était pas son intention: car le cinéaste souhaitait montrer que dans les sociétés occidentales, le plaisir féminin était à la fois rare, cher et généralement puni...
Voilà des préoccupations qi rejoignent directement l'oeuvre d'un géant: ce n'est sans doute pas un hasard si Machaty renvoie à Stroheim, qui l'avait engagé en 1921 pour être son assistant sur Foolish Wives. Il le rejoint par certains aspects de son style aussi: dès le départ, il s'amuse à tisser un écheveau de détails, aperçus en gros plan dans son montage. Les objets touchés, vus, portés, etc... par Eva ou son mari ont tous du sens, qu'il soit ironique, qu'il serve à exposer un caractère, ou qu'ils soient des "petits cailloux" dans la narration. Le caractère de maniaque du mari est représenté par sa façon de disposer les objets (parmi lesquels une photo de la jeune épousée), et la façon dont il va écraser une abeille contraste fortement avec le comportement de l'amant avec un insecte qu'il installe délicatement sur une fleur...
Et le style de Machaty est décidément ancré dans la fin du cinéma muet, avec une bande-son qui doit sans doute contenir, sur une heure et vingt minutes de film, environ quatre ou ciné minutes de dialogues. Parfois limité à des mots uniques, voire de monosyllabes. C'est que, d'une part, le film était en trois versions (tchèque, Allemand et Français), comme Vampyr, et Machaty souhaitait limiter les dialogues à l'extrême. Mais surtout, il se plait tout indiquer par l'image, avec brio. Il réutilise le montage rapide à la soviétique, dans une séquence lyrique finale, où le travail de la terre par les hommes ert de consolation à l'amant. Et son recours à l'image seule s'effectue avec une expressivité impressionnante...
Ce n'est pas pour autant une renaissance du cinéma muet, comme Tabu, City lights, ou Vampyr: juste sa continuité, ou sa continuation, à l'heure où le cinéma surtout Américain semblait muter vers du tout dialogué, ce film insolent sur un sujet osé prend tout le monde de court en affirmant une fois de plus la puissance de l'image. Ca fait beaucoup de raisons de l'aimer, non?
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