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Bob Sinclar (Jean-Paul B.) est un agent secret bien dans le ton des années 70: infaillible, surhumain presque, aux prises avec des tueurs internationaux de toutes origines (ici, des Albanais) et qui porte de façon musclée la voix de la France dans les coulisses des nations, tout en lutinant à l'occasion de belles espionnes lascives...
François Merlin (J.-P. Belmondo) est un auteur minable de romans policiers de la pire espèce, vendus dans les gares sous d'avenantes couvertures qui profitent de la libération des moeurs en affichant sans scrupules de fortes poitrines. Son héros est un agent secret bien dans le ton des années 70: infaillible, surhumain presque, aux prises avec des tueurs internationaux de toutes origines (ici, des Albanais) et qui porte de façon musclée la voix de la France dans les coulisses des nations, tout en lutinant à l'occasion de belles espionnes lascives... Il s'appelle, bien sûr, Bob Sinclar.
Pendant que Bob conduit ses affaires à sa façon désarmante de bêtise et d'auto-satisfaction, François lutte: il a un divorce sur les bras, un fils qui n'est pas sûr d'avoir son bac, et des traites à payer. Son patron, l'éditeur Charron (Vittorio Caprioli), est un exploiteur odieux. La seule personne qui semble avoir un peu de sympathie pour lui est sa femme de ménage (Monique Tarbès), alors que Merlin a pour sa part repéré sa jolie voisine, une étudiante Anglaise en sociologie dont il s'est inspiré pour la dernière conquête de Sinclar, la belle Tatiana (Jacqueline Bisset). Alors que Charron, l'ennemi juré de Merlin, se voit croqué dans les romans en Karpov, chef des services secrets Albanais...
Cette tendance à refléter dans les intrigues délirantes le quotidien médiocre se retrouve tout du long du film: par exemple, un plombier qui refuse de faire son travail trouve une mort atroce dans la fiction, et les transitions en profitent parfois: on retrouve Monique Tarbès passant l'aspirateur sur une plage d'Acapulco durant une fusillade, et les personnages interrogent parfois l'auteur lorsque celui-ci, qui décidément écrit trop vite, a couché sur papier une grosse bêtise: ainsi, Belmondo-Sinclar et Caprioli se retournent-ils vers la caméra pour contester qu'un supplice concocté par Karpov implique des rats aux dents imprégnés de cyanure... Le petit jeu entre réalité et fiction continue du début à la fin, il amuse beaucoup... au début, parce qu'à la fin ça s'alourdit.
Car Belmondo, désireux sans doute de se moquer de lui-même, charge autant la barque que son auteur, et on sait que Belmondo n'est jamais aussi atrocement mauvais que quand il se laisse aller, et la dernière demi-heure du film voit de Broca laisser son acteur en roue libre. Il est nettement plus touchant en Merlin, auteur timide et amoureux, qu'en Sinclar, qui par l'esprit de vengeance de son auteur, devient tout à coup impuissant, voire gay: oui, car un héros gay, en 1973, c'est le pire qui puisse arriver. Je sais, on dira "autres temps...", mais ça reste aussi inacceptable pour un film de 1973 qu'en 2021.
Le film regorge de petits moments de bonheur quand même: mon préféré étant une séance d'interprétariat à la Goscinny: pour tirer les vers du nez d'un Albanais mourant, les services secrets n'ont pas trouvé d'interprète Albanais-Français, mais un interprète Albanais-Tchèque, un interprète Tchèque-Roumain, un Roumain-Russe et un Russe-Français... Du coup les informations (qui sont souvent inintéressantes, comme 'ah, je meurs", ou "vive l'Albanie" doivent passer par plusieurs bouches avant de faire leur effet... Mais l'incapacité à s'arrêter quand on en fait trop, et je parle autant du metteur en scène que de l'acteur ici, finit par agacer.
Et si le film fera autant penser à La fête à Henriette de Duvivier pour le jeu entre création et fiction, et à la fois au Grand blond d'Yves Robert, et aux deux OSS 117 de Hazanavicius pour la parodie assumée, il pâlit devant ces trois exemples, surtout devant l'impeccable réussite du diptyque avec Dujardin, ce dernier pour sa part n'en fait jamais trop, et n'a pas besoin du prétexte des deux niveaux de réalité pour que son jeu parodique fasse mouche. Belmondo, remarquez, n'y est pas non plus retourné, à ce second degré: cet insupportable cabotin s'est ensuite abîmé dans des productions où il allait assumer pour lui-même la vulgarité d'un Bob Sinclar, avec Le guignolo ou Le professionnel...
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